L’invité de cette semaine de votre hebdomadaire préféré d’analyses, d’enquêtes et d’informations générales, ‘’Ziré’’, est Sadio dit Konon Tomoda, commissaire principal du 3e arrondissement. Avec lui, le 10 juin 2021, nous avons abordé plusieurs questions, notamment la lutte contre la prolifération et la consommation de la drogue et autres stupéfiants dans la Commune II du District de Bamako, le banditisme et les conditions de délivrance des documents administratifs au niveau de son commissariat.
Monsieur le commissaire, vous êtes à la tête du 3e arrondissement depuis septembre 2020 ; il y a donc moins d’un an. Quelles sont vos remarques personnelles sur l’évolution de la situation sécuritaire dans votre secteur depuis que vous êtes là ?
Merci pour cette question. Comme vous l’avez si bien dit, je suis là exactement depuis le 18 septembre 2020. Je dirais que je suis un peu satisfait. En effet, quand je prenais service, les infractions qui étaient courantes ici, à savoir les braquages, les vols, les agressions, ont considérablement baissé, et cela grâce à nos opérations. Nous avons réussi à baisser considérablement le taux de criminalité dans notre secteur. Donc, je dirais que les résultats sont encourageants.
Vous voulez parler de l’opération Tourbillon, parce qu’on entend beaucoup parler de cette opération. Dites-nous davantage à ce sujet.
Tout à fait, l’opération tourbillon (Founou-Founou), comme vous venez de le dire, a beaucoup contribué à diminuer le taux de criminalité dans notre secteur. Vous savez, à ma prise de service, conformément aux instructions de la hiérarchie, j’ai rencontré toutes les couches de la société dans le cadre de l’instauration de la police de proximité, et tout le monde me disait que la Commune II était devenue un centre de trafic de drogue de tous genres. Donc, moi-même, après analyse, j’ai constaté que pratiquement 80 à 90% des délinquants que l’on interpellait, commettaient leurs forfaits sous l’emprise de stupéfiants. C’est pourquoi, après analyse, nous nous sommes dit qu’il faut prendre à bras-le-corps la lutte contre la prolifération et la consommation des produits illicites dans notre secteur.
Donc, c’est dans ce cadre que nous avons mené quelques opérations d’envergure qui ont permis d’interpeller des individus avec des produits stupéfiants, qu’on a déféré devant le procureur. Aujourd’hui, nous pouvons dire que ces opérations ont montré leurs limites. Il faut quand même préciser que cette opération dénommée ‘’Tourbillon’’ se fonde sur des renseignements vérifiés sur la base desquels nous intervenons. C’est ce qui nous a permis, avec beaucoup de fierté, de briser la chaîne de transmission de trafic de la drogue dans notre commune.
Je pense qu’en faisant un tour sur le terrain, on peut le constater, les grandes familles, les secteurs dans lesquels la vente de drogues était devenue comme quelque chose de normal, ont été assainis. La plupart des dealers aujourd’hui sont sous les verrous, d’autres sont en fuite. En tout cas, depuis le lancement de l’opération le 31 mars 2021, on a pu mettre hors d’état de nuire un nombre important de dealers. Une quantité importante de produits stupéfiants a été également saisie. Une fois de plus, cette opération a permis de réduire considérablement le taux de criminalité. Auparavant, si c’étaient dix infractions qu’on recensait par semaine, maintenant elles sont trois. Autrement dit, nous avons une réduction de près de 70% du taux de criminalité dans notre secteur.
Malgré votre engagement, il y a des dealers et des trafiquants qui continuent de résister. Que leur dites-vous ?
Tout à fait, l’opération avance, c’est plusieurs phases. La première phase, c’est d’aller sur le terrain, d’interpeller les vendeurs de drogue. Ces vendeurs ont naturellement des fournisseurs. Pour chaque vendeur interpelé, on établit un procès-verbal avec les noms des fournisseurs et autres personnes impliquées. C’est ça la première phase. La deuxième phase a concerné les enquêtes menées pour dénicher les fournisseurs. C’est cette phase qui nous a permis d’interpeller quelques barons et de saisir des quantités de cocaïne. Certes, actuellement ils ont fui la Commune II pour aller s’installer dans d’autres communes, mais ils continuent à déverser ces produits stupéfiants dans notre commune.
Donc, la phase d’enquête nous conduit petit-à-petit à les traquer jusque dans leurs retranchements et à les mettre à la disposition du procureur. Notre objectif, c’est d’assainir notre commune. Les quelques dealers qui résistent encore à l’opération »Tourbillon » qu’ils sachent que les enquêtes sont toujours en cours. Ceux qui sont allés se cacher à Sabalibougou, à Sébénicoro et même à Safo, ont été dénichés et mis hors d’état de nuire. Donc, que les autres sachent que les enquêtes continuent, si jamais ils ne mettent pas fin à leurs activités illicites, ils seront traqués et mis à la disposition du procureur de la République.
Monsieur le commissaire, les résultats que vous venez de citer n’ont pas été obtenus sans la collaboration de la population, surtout de certaines associations. Parlez-nous de cette complicité.
La collaboration a été parfaite, parce que les gens en avaient marre. Mais au début, ils avaient peur de dénoncer. Quand ils ont vu que l’opération était lancée dans la durée, ils ont repris confiance, et aujourd’hui, je peux dire que pratiquement toute la population de la Commune II collabore avec la police ; tout le monde nous alerte de ces activités illicites. A longueur de journée, nos agents et moi-même personnellement, nous recevons des coups de fil de la part de la population pour nous dire qu’il y a tel vendeur de drogue à tel lieu. Donc, je puis vous dire que la population a joué un rôle très important dans la réussite de cette opération.
Nous avons vu aussi des mouvements qui sont en train de se constituer en association de lutte contre la vente et la consommation de drogues dans leurs quartiers et qui prennent leur courage à bras-le-corps pour nous appuyer dans cette lutte. Encore, la collaboration de la population est parfaite et vivement qu’elle continue de soutenir la police pour que dans quelques mois, nous puissions ensemble dire que la Commune II est une commune sans drogue, et cela est possible.
Vous avez toujours insisté sur la police de proximité. Au-delà de cette lutte de grande envergure contre les produits stupéfiants, qu’en est-il de la prise en charge des besoins de la population au sein de votre commissariat ?
Parfaite jusqu’à présent. Les témoignages qui me sont parvenus sont vraiment satisfaisants, parce que nous sommes allés vers la population, nous lui avons expliqué notre mission et elle nous a compris. C’est pourquoi, aujourd’hui, elle adhère à toutes nos initiatives visant à la protéger, ainsi que ses biens. Cette collaboration est vraiment parfaite. Il faut comprendre que nous sommes là pour la population. Les services gratuits que la police doit rendre à cette population tels que le certificat de résidence, le certificat de perte, se passent comme prévu.
La carte d’identité nationale n’est plus de l’or au commissariat du 3ème arrondissement. C’est un droit pour tous les citoyens, les gens n’ont pas besoin de se lever à 4 heures du matin pour venir chercher une carte d’identité. J’ai instruit à mes différentes sections de recevoir, durant toutes les heures ouvertes, toutes les personnes qui sont dans le besoin des services du commissariat et de les satisfaire dans les mesures du possible. Nous n’avons pas une autre raison, si n’est pas de satisfaire cette population. A ce niveau, je puis vous assurer que la population est satisfaite de nos services. Le chef de quartier de Quinzanbougou est même venu nous le témoigner ici au commissariat. Je rassure tout le monde que nous allons continuer sur cette lancée.
En clair, vous invitez la population à venir vers son commissariat pour ses besoins ?
Tout à fait ! Nous, nous partons vers la population et elle doit aussi faire le chemin contraire, à travers les besoins des documents administratifs et pour autres besoins de protection. Une fois de plus, nous sommes en parfaite harmonie avec la population de la Commune II.
Entretien réalisé par Amadou Kodio
Source : Ziré