G5-SAHEL : une page tournée pour le Mali

Le Mali avait annoncé le 15 mai dernier son retrait des instances du G5-Sahel et la force conjointe. Cela semble se concrétiser. A compter du 30 juin, l’engagement du Mali au sein de la force conjointe prendra officiellement fin.

Le chef d’état-major des Armées du Mali, général de division Oumar Diarra a fait l’annonce du désengagement des FAMa, à travers une correspondance adressée au Commandant de la Force conjointe du G5-Sahel. L’organisation sous régionale était à bout de souffle. Les bouleversements intervenus ces dernières années et les tensions diplomatiques entre le Mali et plusieurs de ses partenaires et voisins ont paralysé l’institution.

G5-Sahel trop beau pour être vrai

Beaucoup doutaient de l’efficacité de la force conjointe du G5-Sahel dans un contexte où le Sahel est détaché de l’Afrique de l’Ouest incarnée par la Cedeao. Un budget de 423 millions d’euros était nécessaire pour la force conjointe régionale, la FC-G5S, destinée à lutter contre les djihadistes. Par faute de moyens, la force n’a jamais pu atteindre sa pleine capacité opérationnelle. Les promesses de financement annoncées n’ont jamais vu le jour, causant un retard énorme dans sa pleine opérationnalisation. Le projet n’a pas pu bénéficier de l’accompagnement des Nations Unies, malgré des plaidoyers de la France et des pays membres devant le Conseil de Sécurité. Les États concernés à savoir le Mali, Niger, Burkina Faso, Mauritanie, Tchad ont fait l’effort de 10 millions d’Euros chacun. Une somme nettement au-dessous des espérances budgétaires. La France quant à elle, a soutenu des opérations de la force conjointe avec les moyens du dispositif Barkhane. La stratégie du G5-Sahel intégrait le volet du développement en faveur des zones les plus vulnérables à travers le Cadre d’actions prioritaires intégré à impact rapide.

L’ombre d’une puissance extra régionale planait sur le G5-Sahel

Le retrait du Mali du G5-Sahel est intervenu dans un contexte de tensions avec la France dont il accuse d’être à la manœuvre afin de l’empêcher de prendre la présidence tournante du G5-Sahel. Depuis février, le Mali en l’occurrence le colonel Assimi Goïta devait succéder au Président du Conseil militaire de Transition tchadienne Mahamat Deby, lui aussi arrivé au pouvoir de manière anticonstitutionnelle. Même si la France n’est pas officiellement membre de l’organisation, elle reste néanmoins influente en son sein et est présente dans plusieurs organes du G5-Sahel. Notamment au sein du Secrétariat permanent et du collège de défense. La France a participé à la création du G5-Sahel aux côtés des pays membres et participe à tous les sommets des chefs d’État.

Le G5-Sahel était perçu comme un cadre d’expression de l’influence française au Sahel. Ce qui crée une certaine hostilité entre la Cedeao et le G5-Sahel. Le sommet de Pau en 2020 a été préjudiciable pour l’image du G5-Sahel

L’échec de la médiation du Tchad

Dans un communiqué en date du 19 mai 2022, le Président du Conseil militaire de Transition du Tchad qui officie la présidence du G5-Sahel a exprimé ses préoccupations quant au retrait du Mali du G5 Sahel. Il a exhorté le Mali à reconsidérer sa position pour permettre aux efforts en cours visant à apporter une solution aux préoccupations du Mali, à travers la tenue imminente d’une conférence des chefs d’Etat et de gouvernement. Il a ensuite dépêché à Bamako son ministre de la Communication porte-parole du gouvernement pour rencontrer le Chef de l’Etat malien, Colonel Assimi Goïta afin de trouver une issue favorable et apaiser les tensions car le Mali est un élément essentiel du G5-Sahel. Le Tchad espérait, à travers son offensive diplomatique en direction du Mali, convaincre le pays de rester dans le G5-Sahel.

Le président de la Transition, Assimi Goïta avait alors reçu la délégation tchadienne. Cette approche diplomatique n’aura pas servi à grand-chose puisque les autorités maliennes ne sont pas revenues sur leur décision que le Tchad n’a pas été convaincant. Lors de son intervention devant le Conseil de Sécurité des Nations unies, le ministre malien des Affaires étrangères et de la Coopération internationale a rappelé que le G5-Sahel n’a plus vocation à intervenir au Mali.

L’effondrement de l’architecture de défense du G5-Sahel

Le G5 Sahel depuis sa création a connu une très grande difficulté. Les difficultés budgétaires et organisationnelles ont pesé sur les opérations et les projets de développement de l’organisation. Le G5-Sahel a connu récemment des bouleversements démontrant la profonde crise de gouvernance au sein de l’organisation sous régionale. La force conjointe comptait 5 000 militaires, gendarmes et policiers, composée de sept bataillons de 650 hommes (550 militaires, 100 policiers et gendarmes) répartis sur trois fuseaux : le fuseau Ouest (Mauritanie, Mali) ; le fuseau Centre (Mali, Burkina, Niger) et le fuseau Est (Niger, Tchad). Au total, le Mali compte près de 1 400 hommes, sur les 5 000 que compte la force conjointe. Ce retrait est synonyme de la fin du G5-Sahel, mais également d’inquiétude à cause de l’expansion de la menace terroriste en Afrique de l’Ouest.

Bah Traoré (Ucad, Dakar, master en études africaines postcoloniale et en communication)

Source: Mali Tribune