Charte de la transition au Mali : la divergence !

Durant trois jours, les débats furent denses, parfois houleux lors des concertations nationales sur les organes de la transition au Centre international de Conférences de Bamako. Au terme des travaux, la Charte de la transition a été présentée. Elle fixe la durée de la transition à 18 mois et charge la junte de désigner un président civil ou militaire pour diriger la transition. A l’issue de la cérémonie de clôture, certains participants se sont insurgés contre un « document qui a été complètement charcuté » par rapport aux travaux conduits depuis jeudi.

Mme Sy Kadiatou Sow, membre du M5-RFP : « C’est une volonté de confisquer le pouvoir…»

«Ce n’est pas démocratique du tout ce que nous avons constaté. C’est malheureux, c’est triste. Je suis triste et inquiète. Après deux journées de travail intense sur le contenu de ce document, sur la feuille de route et sur la charte et qu’à la fin de tout ça on vient nous présenter un document qui a complètement changé le contenu des rapports des cinq groupes. C’est un document qui a été complètement charcuté et ne correspond pas du tout à ce qui a été dit dans les groupes. Au nom du comité stratégique du M5-RFP, s’il n’y a pas de débat sur ce qui a été présenté et que les choses se passent correctement, de façon démocratique, qu’on puisse enregistrer les observations, les réactions des uns et des autres, nous n’approuverons pas cette charte en l’état. Nous sommes clair là-dessus. Nous nous attendions un peu à cette manipulation. Ce qui vient de se passer m’inquiète énormément, inquiète tout le Mali. C’est une volonté de confisquer le pouvoir par le CNSP (Conseil national de salut du peuple institué par les putschistes, NDLR) et ceux qui le soutiennent. Ceux qui étaient opposés au changement, ce sont eux qui se sont levés contre ceux qui se sont battus pour le changement. Et nous n’accepterons pas cela. Nous continuerons à mener notre combat sereinement, de façon démocratique jusqu’à ce qu’on nous entende. Ceci n’est pas acceptable. J’espère que les organisateurs de ces concertations nationales vont se ressaisir et qu’ils vont remettre ce document à débat. Si ce n’est pas le cas, ça veut dire qu’on aura reculé de plusieurs années. Et que Dieu nous en garde. Nous disons au peuple malien que nous ne renoncerons pas à faire le combat pour le changement, pour la refondation de notre Etat et de la démocratie. La question n’était pas le départ d’IBK et de son régime, mais la question c’était un nouveau Mali. Ce nouveau Mali ne peut pas se construire sur la base de ces genres de manipulations, de tentative de confiscation. Nous ne l’accepterons pas.»

Niankoro Yeah Samaké, président du Parti PACP : «Nous ne pouvons pas attendre la perfection…»

« Nous n’exigeons pas la perfection. C’est vrai qu’il y a des frustrations, des divergences sur le document qui a été lu. Il y a certains points qui auraient pu être enlevés. Nous ne pouvons pas attendre la perfection, nous allons travailler avec et vivre avec. Parce que le Mali a besoin d’avancer. Nous sommes là en tant que force de veille. J’ose espérer que le M5-RFP va continuer à jouer le rôle de régulateur, un rôle de mobilisation pour faire en sorte que nous rendions nos autorités redevables au peuple. Ce qui m’a le plus encouragé à adhérer au M5, c’était ça. D’abord faire partir IBK. Ce qui a été le cas. Maintenant, il faudra que nous puissions tout faire pour que plus jamais au Mali, un président de la République ou les autorités que nous avons élus ne puissent faire tout ce qu’ils veulent dans ce pays. »

Abdramane DIARRA, président de la jeunesse URD : « Toute œuvre humaine est perfectible »

« Nous avons demandé que le processus de la gestion de la transition soit inclusif. On était ici au CICB pour valider les termes de références des concertations. Depuis jeudi, nous sommes là dans le cadre de ces concertations. Je pense que les documents que nous avons validés durant ces trois jours de travaux relèvent d’une œuvre humaine, et toute œuvre humaine est perfectible. Sur la base de ces documents, nous pouvons travailler à aider le pays à sortir de la crise. A faire en sorte que les organes de la transition puissent réussir leurs missions. C’est-à-dire, mettre en œuvre les axes prioritaires de la feuille de route, opérer les réformes nécessaires à la tenue d’élections libres, crédibles et transparentes, acceptées par tous. »

Moussa Mara, président de Yèlèma : «Il y a un minimum pour commencer »

« Les documents produits ne sont pas parfaits mais constituent une base pour commencer la période transitoire. C’est vrai, il y a desfaiblesses dans la charte, c’est incontestable. Mais il y a un minimum pour commencer. Parmi ces faiblesses il y a le problème de la relation avec la Constitution de 1992. On semble maintenir que le document complète la Constitution alors qu’il y a des éléments dans la charte qui violent cette Constitution. Pour moi, il faut qu’on soit clair, soit le document suspend la constitution et il créé les conditions d’une vraie transition avec des organes ; avec tous les éléments, soit on va dans la Constitution de 92, mais on ne peut pas être au milieu.

La deuxième faiblesse, c’est la notion de vice-président qui n’existe pas dans la Constitution et ses rapports avec le président de transition. Autre faiblesse, le collège pour choisir le président, dont on ne connaît pas le contenu et le Conseil de Transition, dont la répartition des sièges n’est pas indiqué. Autant d’éléments qui peuvent créer des difficultés entre les participants. Espérons que les futurs animateurs seront de qualité et saurons nous unir pour réussir. »

Youba Bah, président de l’ADP-Maliba : « Les militaires feront les bons choix »

« Les concertations nationales se sont déroulées dans une ambiance, certes tendue à certains moments, mais franche et sereine, qui nous ont permis aujourd’hui de pouvoir dégager les grands axes de cette transition, mais aussi de pouvoir avoir un minimum de compromis autour des organes de cette transition. Nous nous étions d’entrée de jeu convaincus que le choix du président et, bien évidemment, du vice-président de la transition ne pouvaient revenir qu’au CNSP parce qu’aucun autre acteur ne réussirait à rassembler l’ensemble des forces vives et convenir d’un choix. Et donc, le fait que les militaires aujourd’hui aient cette responsabilité-là est quelque chose qui nous paraît totalement logique. Nous savons qu’ils sont conscients de l’ensemble des enjeux autour de cette question et qu’ils feront donc les bons choix. »

A O

Source : Ziré

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