Au Mali, 1 244 906 personnes font face à une crise alimentaire et 3 585 989 personnes sont actuellement sous pression, selon les chiffres du Cadre Harmonisé. Le même outil d’identification, d’analyse des zones à risque et des populations en insécurité alimentaire et nutritionnelle au Sahel et en Afrique de l’Ouest prévient que 1 971 000 personnes seront confrontées à une crise alimentaire si rien n’est fait et 4 533 157 personnes seront sous pression entre juin et août 2022. Ces chiffres interpellent fortement en premier lieu le Mali qui doit davantage s’investir dans le secteur en tenant ses engagements relatifs au financement du secteur eau potable, hygiène et assainissement (WASH) et celui de la nutrition. Mais aussi, l’Etat doit travailler à assurer la sécurité des partenaires évoluant dans lesdits secteurs sur le terrain. Quant aux partenaires, ils doivent également coordonner les actions sur le terrain aux bénéfices des populations concernées. Voilà autant de défis auxquels les autorités maliennes et leurs partenaires du Programme Right2Grow entendent relever en vue de vaincre la malnutrition.
Selon le cluster Nutrition, 767 773 enfants sont malnutris, dont 197 691 souffrent de malnutrition aiguë sévère. « La réponse de sécurité alimentaire de cette année n’a reçu que 25,4 % des fonds nécessaires pour répondre aux besoins les plus urgents (58,9/ 232,3 millions USD). La réponse humanitaire au Mali n’a reçu que 38,1% des fonds nécessaires pour l’année (214,8/ 562,3 millions USD) », peut-on lire dans un communiqué de presse signé par la coalition de 22 organisations humanitaires (Conseil danois pour les Réfugiés (DRC); Action Contre la Faim (ACF); Conseil norvégien pour les Réfugiés (NRC); Solidarités International; World Vision International (WVI); ACTED ; Oxfam ; Dan Church Aid ; International Rescue Committee (IRC) ; Première Urgence Internationale (PUI) ; Médecins du Monde ; Care International ; Humanité & Inclusion ; Plan International ; Islamic Relief ; Mercy Corps; Terre des homes ; Educo ; We World ; Welt Hunger Hilfe (WHH) ; Agronomes et Vétérinaires Sans Frontières (AVSF) ; Norwegian Church Aid).
Au regard de ces chiffres alarmants, les secteurs eau potable, hygiène et assainissement (WASH) et de la nutrition doivent être considérés comme l’une des priorités au moment de l’élaboration du budget national du Mali. Selon la dernière analyse budgétaire 2016-2018 entreprise par la Cellule de Coordination de la Nutrition, le taux de financement de la nutrition est en dessous de 1% du budget national pendant que la part du financement du WASH continue d’être en dessous (3,62% en 2020). Cela, malgré les engagements pris dans le cadre de SWA (Assainissement et l’eau pour tous) qui demandent au Mali d’accorder 5% de son budget national au secteur.
De même, lors de la première session du Comité national de pilotage stratégique du programme Right2Grow tenue le 21 décembre 2021 à Bamako, Kambiré SANZAN, Directeur Pays d’Action Contre la Faim (ACF), a rappelé qu’au Mali, un enfant sur 4 souffre toujours de malnutrition chronique et 10% des enfants de moins de 5 ans sont atteints de la malnutrition aiguë.
Il ressort aussi des données d’ACF que la sous-nutrition a réduit de 11, 6 % la population active du Mali et elle est la cause de 34,3% des mortalités infantiles. Aussi, 21, 1% du total des redoublements sont dû aux difficultés plus élevées chez les enfants atteints de retard de croissance. C’est ce qui fait dire le Dr. Djibril Bagayoko, Chef de la Cellule de Coordination de la Nutrition du Ministère de la Santé, que le monde sorti de l’économie du muscle pour l’économie du numérique et du cerveau. Autrement dit, le Mali doit davantage investir dans les secteurs eau potable, hygiène et assainissement (WASH) et de la nutrition en vue d’avoir des ressources humaines de qualité.
Qu’en est-il avec les engagements de l’Etat malien ?
Tous les acteurs impliqués dans la lutte contre la malnutrition au Mali sont convaincus que sans l’eau potable, l’hygiène et l’assainissement, il est impossible d’atteindre les objectifs fixés, à savoir : éliminer la faim ; assurer la sécurité alimentaire et améliorer la nutrition. Aujourd’hui, selon ACF, le taux national d’accès à l’eau potable est de 69,6% dont 65,8% pour le niveau rural et seulement 32% à des services d’assainissement.
A cela, s’ajoute l’insécurité. Selon l’enquête SMART 2020, au Mali, la crise politique institutionnelle, sécuritaire et la pandémie à Coronavirus ont impacté sur la prévalence de la malnutrition aiguë estimée à 7,2 %, dont 1,3 % pour la forme sévère. Au même moment, le coût annuel engendré par la sous-nutrition des enfants est estimé à 265,5 milliards de francs CFA, ce qui correspond à 4.06% du produit intérieur brut (PIB).
Pour vaincre ce fléau, le Mali compte passer à la vitesse supérieure, à travers des engagements, dont entre autres : sur le plan financier, il s’engage à mobiliser des ressources financières à hauteur de 600 millions chaque année pour l’achat des Aliment Thérapeutique Prêt à l’Emploi (ATPE) ; à financer à hauteur de 15% le nouveau PAMN 2021-2025 ; à mobiliser les ressources financières en faveur de la nutrition à travers des mécanisme innovants tels que le Mécanisme de financement mondial, dénommé en anglais « Global Financing Facility» (GFF) et l’initiative UNITELIFE d’ici 2025. Sur le plan programmatique, le Mali s’engage à réduire la prévalence de la malnutrition chronique en dessous de 20% d’ici 2025. Sur le plan politique, le pays s’engage à généraliser la prise en compte de la nutrition dans les politiques et plans stratégiques de développement comme le Cadre stratégique pour la relance économique et le développement durable (CREDD), le Plan de Développement Economique, Social et Culturel (PDESC) d’ici 2025 ; à adopter un texte législatif sur la commercialisation des substituts du lait maternel et à intégrer le droit à l’alimentation et à la nutrition comme droit constitutionnel lors du prochain référendum constitutionnel. C’est un gros investissement, mais qui ce ne serait pas certainement perdu. D’autant plus que les acteurs eux-mêmes sont conscients que ces dépenses, considérées comme sociales, sont en réalité des dépenses d’investissement qui impactent directement le PIB.
Le programme Right2Grow, une aubaine pour le Mali
Financé par le Ministère des Affaires étrangères des Pays-Bas pour cinq ans (2021-2025), le programme Right2Grow (Droit de grandir) est mis en œuvre par le consortium composé d’Action Contre la Faim (chef de file) et de World Vision et avec comme partenaires nationaux: L’Œuvre Malienne d’Aide à l’Enfance du Sahel (OMAES) ; Stop-sahel ; Association Malienne pour le Développement communautaire (AMADECOM) ; Groupe de Suivi Budgétaire (GSB) ; la Coalition Nationale de la Campagne Internationale pour l’Eau Potable et l’Assainissement (CN-CIEPA/WASH) et l’Association des Jeunes pour la Citoyenneté Active et la Démocratie (AJCAD-Mali). Ce programme est mis en œuvre dans 24 communes dans trois régions, à savoir : Kayes, Koulikoro, Sikasso, ainsi que dans le District de Bamako.
L’objectif de ce programme est d’amener les communautés à investir dans les services sociaux de base et à adopter de bonnes pratiques en matière de nutrition, d’eau, d’hygiène et d’assainissement, en s’attaquant conjointement aux obstacles avec les partenaires du secteur privé. Il s’agit aussi, pour les organisations de la société civile (OSC) représentatives et dotées de moyens d’action, de plaider en faveur du leadership et de la bonne gouvernance afin de prévenir la dénutrition. Right2Grow compte faire également des plaidoyers afin que le gouvernement du Mali et les entités décentralisées adoptent et intègrent une approche intégrée et multisectorielle de la dénutrition dans les politiques, les plans d’action et les allocations budgétaires. Enfin, il s’agit pour les donateurs et les acteurs du développement international de coordonner et de collaborer dans le cadre du lien entre l’humanitaire et le développement afin de s’attaquer aux déterminants sous-jacents de la dénutrition.
Mali : première rencontre du Comité national de pilotage stratégique du programme Right2Grow
A moins de six mois du lancement de Right2Grow, le chemin semble être encore long. Mieux, le chef de file dudit programme, Action Contre la Faim (ACF), en est conscient. En tout cas Kambiré SANZAN, Directeur Pays d’Action Contre la Faim (ACF), a estimé lors de la première session du Comité national de pilotage stratégique du programme Right2Grow, le 21 décembre 2021 à Bamako, que la lutte contre la malnutrition est une lutte de longue haleine qui demande l’implication de tous. « En effet, de nombreux efforts ont été fournis tant de la part des autorités nationales que de la part des organisations de la Société Civile et des Partenaires Techniques et Financiers pour l’amélioration de la nutrition et de l’accès à l’eau, hygiène et assainissement », précise-t-il.
Ce qui est évident, c’est qu’il reste encore plus de quatre ans de plaidoyers et d’accompagnements des communautés concernées par le programme avant la capitalisation des acquis issus de sa mise en œuvre effective.
Ousmane BALLO / Afrikinfos-Mali
Last Updated on 27/12/2021 by Ousmane BALLO