Coup de force : retour à la « case-Kati » !

C’est indéniable, du reversement en mars 2012 du Régime d’ATT démocratiquement mis en place à nos jours, le Mali n’avance qu’à reculons. Concrètement, aucun changement escompté n’arrive à intervenir, aucun acquis positif n’est enregistré. Ni au plan politique et sécuritaire ni dans la mise en œuvre de l’Accord de paix d’Alger et la lutte contre le terrorisme et la délinquance financière, il n’y a d’acquis. Pourtant, avec le départ d’IBK, l’espoir était permis.
Assurément, avec ce nouveau coup d’Etat militaire, le citoyen malien ne sait plus à quel saint se vouer. L’Armée malienne elle-même ne sait plus comment s’y prendre. Ainsi, tout porte à croire que l’Histoire donne raison au Comité stratégique du M5-rfp qui, dans l’esprit d’un mémorandum de 10 commandements, avait conditionné sa participation au processus de transition concoctée entre les acteurs politiques et les putschistes sous l’égide de la Communauté internationale. D’où, finalement, c’est un nouveau coup d’Etat militaire avec le même Homme fort de Kati aux commandes. Et c’est tant pis pour le pays en profonde crise sécuritaire et économique et pour le Peuple malien qui n’a plus désormais que ses yeux pour pleurer. L’hypocrisie de la CEDEAO et de l’UA étant connue de tous, le dernier et maigre espoir des Maliens ne repose désormais que sur l’Occident (UE, ONU, OIF et USA principalement) qui vient de réagir fermement contre cet acte de violation flagrante de la charte de la transition d’août 2020.
En effet, de tous les leaders qui comptent dans la classe politique malienne, depuis la tentative du présent coup de force tant redouté, Moussa Mara du parti YELEMA et Houssaini Arion Guindo Poulo de la CODEM ont exigé le respect des principes fondamentaux de la transition et de la Constitution de 1992 en vigueur. C’est-à-dire, en disant non à l’interruption du processus transitoire.
Quant aux autres partis politiques, c’est seulement, le mardi 24 mai, lendemain, que le l’URD de feu Soumaïla Cissé a fait une déclaration dénonçant la tentative du coup de force de Kati. En tout cas, jusqu’au moment où nous mettions sous presse, les autres grandes formations politiques de la place sont restées toutes silencieuses. « Les ADEMA, RPM et autres tâtent d’abord la direction du vent pour ne pas se faire exclure éventuellement à la mangeoire », ironise un confrère.
Dans sa quête de la légitimité, les Auteurs de ce coup de force ont convoqué illico presto au QG de Kati, outre le Haut Conseil Islamique, le M5-rfp avec lequel ils tiennent à se réconcilier. C’était dans la nuit du lundi au mardi derniers. Au sortir de cette audience, le Comité stratégique du M5-rfp avait fait savoir que c’est seulement à l’issue d’une autre rencontre prévue pour le mardi 25 mai 2021 entre Dr Choguel Kokalla Maïga et le Ministre de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation, le Colonel Abdoulaye Maïga, qu’il fera son communiqué pour annoncer sa position définitive attestant si oui ou non il accompagnera la junte dans son deuxième coup d’Etat dans l’intervalle de neuf mois.
Dans la nuit du lundi 24 et le mardi 25 mai 2021, des éléments de la Garde républicaine et de de la Gendarmerie nationale ont dispersé un groupe de manifestants qui tentaient d’exiger la continuité de la transition d’août 2020.
Au niveau de la société civile, l’UNTM qui a suspendu son mot de grève de deux semaines n’a fait qu’une réaction laconique. Son Bureau exécutif y a soufflé le chaud et le froid à la fois en condamnant tout acte de prise du pouvoir par la force et prenant acte du changement intervenu au sommet de l’Etat.
Les Leaders Religieux aussi ne se sont pas fait entendre publiquement ni pour ni contre le putsch. C’est quelques jours après qu’un Responsable des associations et organisations des Droits de l’Homme procèdera à son tour à une condamnation de principe juste du renversement et de la détention arbitraire des Autorités de la transition.
C’est dans cette situation très tendue entre les putschistes et le Président de la transition et son PM en détention à Kati depuis le lundi 24 mai qu’arrivera à Bamako le Médiateur attitré de la CEDEAO dans cette autre facette de la crise malienne, l’ancien Président nigérian Goodluck Jonathan.
Cependant, si, à l’intérieur, les réactions des Maliens ont été timides voire laconiques, au niveau de la Communauté internationale, des condamnations fermes fusaient de tous les côtés. C’est le cas de l’Union Européenne, de l’ONU, de la CEDEAO, de l’UE et de la MINUSMA. Au plan bilatéral aussi, il y a la France, le Royaume Uni, le Canada, l’Allemagne, et les Etats-Unis d’Amérique qui ont dit non à cette épreuve de force. Tous ont non seulement exprimé leurs vives préoccupations face à cette situation honteuse du Mali mais ont condamné avec la plus grande fermeté l’arrestation du Président et de son Premier Ministre.
Pour le Président français, Emanuel Macron, il s’agit là d’un inacceptable coup d’Etat dans le coup d’Etat. Et il prévient aux Maliens qu’ils sont prêts à prendre : « dans les prochaines heures, il y aura des sanctions ciblées contre les protagonistes ».
Le Secrétaire Général, Antonio Guitares, préviendra lui aussi que l’ONU va prendre en considération cette grave situation malienne et que le Conseil de Sécurité va tenir « une réunion d’urgence dans les prochains jours ».
L’Union Africaine à son tour exige la libération immédiate des Autorités de la transition. Son Président en Exercice, Félix Tshisekedi Tshilombo, a condamné fermement cette action visant à déstabiliser le Mali et a invité les acteurs de la transition à la retenue et au respect de la Constitution.
Dans ce cadre, la Mission des Nations Unies au Mali (MINUSMA) a déclaré son ferme soutien aux Autorités détenues par la junte.
Au plan international, il avait été promis d’un rejet total tout cas de démission forcée du Président Bah N’Daw et de son Premier Ministre Moctar Ouane.
Djankourou
Source : L’Aube