Edito : Sortons du déni de réalité !

Depuis quelques jours, une « réunion de niveau décisionnel » sur l’application de l’accord de paix et de réconciliation, sous l’égide de la médiation internationale, menée par l’Algérie et, dont font également partie les Nations unies et la Cédéao, a acté  un compromis entre les parties signataires maliennes. Celui-ci stipule que  26 000 « ex-combattants » issus des groupes armés vont être intégrés dans l’armée malienne dite « reconstituée » et dans la Fonction Publique. La place accordée aux « ex-rebelles » dans les postes de commandement serait aussi réglée. Est-ce  donc à comprendre  qu’il n’existe plus de points d’achoppement pour l’application dudit accord ? Certainement pas !

En effet,  de nombreuses zones d’ombres demeurent dans les clauses dudit accord.  Lequel n’a jamais fait l’objet d’un débat  démocratique par les représentants du peuple malien (l’Assemblée Nationale ou le Conseil National de la Transition).  Aussi, une  majorité des populations et de la Société Civile  maliennes considère que  l’application  de cet Accord de Paix et de Réconciliation issu du processus d’Alger aboutirait à la division de leur pays en plusieurs entités étatiques. La fameuse et l’hypothétique « République de l’Azawad » n’est-elle pas déjà en gestation : avec ses propres forces de défense et de sécurité et le reste de ses institutions ? Les « ex-rebelles touaregs » ne fêtent-ils pas tous les ans, au vu et au su de la Communauté dite Internationale, leur  « indépendance » vis-à-vis de  l’Etat  souverain du Mali ?  Soyons donc  réalistes !

L’accord d’Alger, officiellement dénommé Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, est,  en principe, un accord visant à mettre fin à la Guerre  au Nord du Mali. Signé le 15 mai 2015  à Alger  et le 20 juin 2015 à Bamako — après des  soi-disant négociations menées à Alger — entre la République du Mali et la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), il prévoit en substance : l’intégration d’ex-rebelles dans les forces de défense et de sécurité maliennes et dans d’autres institutions de l’Etat malien, ainsi qu’une plus grande autonomie des régions nord. Il est considéré par  ses parrains,   comme crucial pour la stabilisation du Mali. Alors que dans les faits, son applicationdemeure problématique, voire impossible. Bien que conscientes de cette triste réalité, toutes les parties signataires continuent  d’adopter une politique de fuite en avant.  Pour  s’empêtrer  dans le déni de réalité.

Le gouvernement malien de Transition et les groupes armés du « Nord-loyalistes » et « ex-indépendantistes », signataires de l’accord de paix en 2015 s’étaient réunis deux mois plutôt sans parvenir à s’entendre. A cette époque, juillet 2022, la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) avait noté avec inquiétude,  « l’abandon” de la mise en œuvre de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation issu du Processus d’Alger depuis l’avènement de la Transition. En raison de cela, elle s’était  réservée : « le droit d’en tirer toutes les conséquences ».  Une accusation dont le ministère de la Réconciliation,  chargé de la mise en œuvre dudit accord pour la paix et la réconciliation,  avait  naturellement réfuté. C’est ce dialogue de sourds  auquel s’adonnent constamment  les deux parties sur   l’application de l’accord d’Alger.  Lequel peine à bouger. Il faut donc que  les parties signataires reconnaissent  la triste réalité : l’accord d’Alger est caduc et inapplicable.

Depuis sept ans, la crise multidimensionnelle, engendrée au Mali  par la rébellion touarègue et l’invasion terroriste, s’est  beaucoup amplifiée. C’est  quasiment l’ensemble du pays qui est concerné  par la crise sécuritaire. Désormais la CMA n’est plus la seule détentrice des armes face à l’Etat du Mali.  Les  groupes  armés  essaiment l’ensemble du territoire national. Au point qu’il est difficile de savoir s’ils  sont des  rebelles, terroristes  ou bandits  armés.

Ainsi, à cause du déficit  sécuritaire, des milices d’auto-défense  sont créées partout  au  Mali par les différentes communautés nationales. C’est   l’ensemble du pays  qui vit en insécurité. De sorte que, plus que jamais,  c’est le Mali  dans son entièreté  qui a  besoin d’être réconcilié. La politique  de  l’exclusivité,   jadis  accordée à la CMA,  ne saurait être la panacée. Il  est   alors raisonnable  de comprendre  que  l’Accord d’Alger,  ne concernant  que les seules régions du   Nord du pays,   n’est plus en mesure de résoudre la problématique sécuritaire de l’Etat du  Mali. Encore moins, permettre la paix et la réconciliation nationales.  Il doit  impérativement  céder  sa place à un autre accord,  non moins sélectif (donc inclusif),  qui prendrait en compte,  les intérêts  de toutes les composantes de la nation malienne.

Pour ce faire, l’Etat du Mali doit,  illico presto, décréter   la caducité de l’Accord dit du processus d’Alger. Mais faudrait-il que  les parties  signataires de l’Accord d’Alger, à commencer par les  Autorités maliennes, comprennent  l’urgence et la  nécessité de renégocier un  nouvel  accord ! Cette fois-ci,  à l’échelle nationale !

Gaoussou Madani Traoré 

Source: Le Pélican