Toujours aucune revendication deux jours après la mort de 8 personnes, 2 Nigériens et 6 Français, dans le parc de Kouré. Sept travailleurs de l’ONG Acted et leur guide ont été exécutés ce dimanche par des hommes armés non identifiés. Les autorités nigériennes ont annoncé des mesures à l’issue d’un conseil extraordinaire de sécurité tandis que la traque pour retrouver les assaillants se poursuit sur le terrain.
L’attaque meurtrière de Kouré est prise très au sérieux à Niamey. En témoigne le conseil extraordinaire de sécurité qui s’est tenu, ce lundi après-midi, à la présidence de la République. Pour la circonstance, le président Issoufou Mahamadou était entouré de son Premier ministre, des ministres de l’Intérieur, de la Défense et des Finances ainsi que la plus haute hiérarchie militaire.
Pas de communiqué final à l’issue de ce conseil de défense, mais quelques mesures prises ont été annoncées par le ministre de l’Intérieur. La première est l’élargissement de l’état d’urgence à toute la région de Tillaberi. Ce qui n’était pas le cas… Il sera donc en vigueur dans deux nouveaux départements : celui de Kollo qui englobe la zone de Kouré où s’est déroulée l’attaque. Et celui de Baleyara à 90 km au nord de Niamey. Dans ces deux régions, il est désormais interdit de circuler à moto.
Seconde annonce, la suspension de l’accès au parc des girafes. Pour permettre notamment aux enquêteurs de faire leur travail, explique le ministre. Policiers et gendarmes mènent actuellement chacun leur enquête, sous la coupe du procureur du pôle antiterroriste.
Il a notamment été décidé du réajustement de l’état d’urgence à l’ensemble de la région de Tillabéri, ce qui va donc inclure Kollo qui n’y était pas, ainsi que Baleyara. Ensuite, il y a la suspension de l’accès au site de girafes pour que les investigations qui se déroulent actuellement se poursuivent en toute sérénité. Et la justice a été saisie avec l’ouverture d’une enquête judiciaire. Nous mettons tout en œuvre, toutes les forces de sécurité sont mobilisées, pour remettre ces criminels aux mains de la justice.
Plusieurs interpellations auraient déjà eu lieu selon un des participants au conseil de défense mais aucune de ces personnes n’est formellement reconnue comme faisant partie du groupe d’assaillants. A ce stade, ce sont seulement des pistes confie notre interlocuteur qui vont peut-être permettre d’avancer.
La traque des auteurs continue
La traque des jihadistes se poursuit donc dans le triangle des trois préfectures de Doutchi, Loga et Filingue, dans la grande aire de pâturage de Yani. Cette zone est également une planque où les terroristes bénéficient de la complicité locale, rapporte notre correspondant Moussa Kaka.
Dès dimanche, Niamey a demandé l’appui de de la force Barkhane pour retrouver les auteurs de l’attaque. La force française est ainsi venu prêter main forte à l’armée nigérienne, en réorientant notamment une patrouille de Mirage 2000, ainsi que l’a indiqué, à RFI, le colonel Guillaume Deschamps, porte-parole adjoint de l’état-major des Armées.
Notre appui a consisté en une patrouille de Mirage 2000D qui a ensuite été relevée par un drone Reaper afin d’essayer de retrouver des auteurs des faits.
La traque se focalise dans et à proximité du parc animalier touristique, une zone qui n’a jamais connu d’attaques jihadistes de cette ampleur. « Cette attaque est tout à fait inhabituelle », expliquait à RFI l’un des gardes du parc de Kouré ce lundi. Si cette zone est d’ordinaire présentée comme sous contrôle, même si plusieurs incidents sécuritaires s’y sont déroulés ces derniers mois, elle n’en reste pas moins une zone de trafic, « de fraude, en carburant ou en marchandise notamment », décrit un représentant local de la région Tillabéri.
« C’est un espace de circulation », précise le chercheur Matthieu Pellerin. « Kouré se situe au milieu de la bande qui va du nord Tillabéri à la frontière avec le Nigeria ». Les groupes jihadistes cherchent à y pénétrer. « Ils multiplient les incursions, les prêches ou des opérations de faible envergure », poursuit-il.
Aujourd’hui, sans revendication, difficile de dire quel groupe est l’auteur de cet assassinat. Si le GSIM (Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans) a démenti être à l’origine de cette attaque, depuis tous les regards sont tournés vers l’autre groupe actif dans la zone : l’État islamique au Grand Sahara « qui est sous pression de Barkhane mais aussi du GSIM depuis plusieurs mois. Ils ont perdu le contrôle de leur zone », décrit une source humanitaire.
Le mode opératoire qui s’apparente à une exécution ressemble aussi à celui de l’EIGS, poursuit un autre spécialiste de la zone. « Ce groupe ne fait pas d’otages, malgré la valeur marchande des français enlevés dans la zone. Ils sont aussi plus violents par rapport aux populations civiles », conclut-il.
Acted déroule le fil des évènements
À Paris, Acted a donné, ce lundi 10 août, une conférence de presse au cours de laquelle l’ONG a donné des précisions sur les évènements. « À 8h30, dimanche, sept de nos staffs d’Impact et Acted sont partis dans le parc de Kouré. A 9h30, ils ont confirmé, selon les protocoles habituels, leur arrivée au parc, a expliquéMarie-Pierre Caley, directrice générale de l’ONG. Peut-être qu’il est à noter qu’à Niamey comme à Kouré ainsi que sur la route entre Niamey et Kouré, ce sont les seules zones jaunes du Niger, c’est-à-dire, selon la classification du MAE [Ministère des Affaires étrangères], en vigilance renforcée ».
Les humanitaires sont dans le véhicule de leur organisation. Comme l’exigent les procédures de sécurité, les employés n’ont pas le droit de circuler dans d’autres véhicules. « Vers 11h30, il y a une attaque, la première dans cette zone extrêmement fréquentée par l’ensemble de la communauté internationale. En début d’après-midi, nous avons été informés, par les gardes forestiers, qu’un véhicule d’Acted avait été retrouvé calciné. En liaison avec l’ambassade, un véhicule Barkhane et une ambulance ont été envoyés sur place et sur place, ils ont trouvé huit corps. Ils les ont rapatriés à l’Institut médico-légal de Niamey, dans la soirée, pour identification. Les corps de nos staffs et de leur guide ont été identifiés en fin de soirée ».
Une plainte va être déposée prochainement par Acted, en France. Suite à cette attaque, l’ONG a mis en place des mesures spéciales au Niger, au Tchad, au Mali et au Burkina Faso.
Le drame Kouré a notamment choqué dans le monde des humanitaires, au Niger. Dans un message à ses collègues, madame Kardiata, coordonnatrice du système des Nations unies au Niger écrit : « Les humanitaires d’Acted ont croisé la route de l’innommable et ont été lâchement assassinés. Inclinons-nous devant la mémoire des travailleurs engagés pour la cause de l’humanité ». La réalité c’est que nous sommes devenus la cible prioritaire dans nombre de pays.
Source: RFI
Last Updated on 11/08/2020 by Ousmane BALLO