Sergueï Lavrov, ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie : «Le respect des principes de la Charte de l’ONU dans leur ensemble et l’interdépendance sont un gage de la paix et de la stabilité internationales»

Sous nos yeux se forge un nouvel ordre mondial multipolaire plus juste, reflétant la diversité culturelle et civilisationnelle du monde. Les contours de l’avenir naissent dans la lutte. La majorité mondiale, représentant 85% de la population de la Terre, plaide pour une répartition plus juste des biens mondiaux et le respect de la diversité civilisationnelle, pour une démocratisation continue de la vie internationale. D’un autre côté, un petit groupe de pays occidentaux dirigé par les États-Unis cherche à entraver le cours naturel des choses avec des méthodes néocoloniales et à maintenir sa domination en déclin.

La carte de visite de l’Occident collectif est depuis longtemps le rejet du principe d’égalité et l’incapacité totale à trouver un terrain d’entente qui en découle. Ayant l’habitude de regarder hautainement le reste du monde, dans la logique du «meneur» et du «mené», les Américains et leurs satellites européens prennent régulièrement des engagements, y compris écrits et juridiques contraignants. Et ensuite ils ne les respectent tout simplement pas.

Comme l’a souligné le Président Vladimir Poutine, l’Occident est un véritable « empire du mensonge ». Nous, comme de nombreux autres pays, le savons très bien. Il suffit de se rappeler comment, même avant la capitulation de l’Allemagne nazie, nos alliés de la Seconde Guerre mondiale – Washington et Londres – préparaient déjà des plans pour l’opération militaire Impensable contre l’URSS, et en 1949, les États -Unis développaient des plans pour des frappes nucléaires contre l’URSS, qui ont été empêchées seulement grâce à la création par Moscou de sa propre arme de représailles.

Après la fin de la guerre froide, lorsque l’URSS a joué un rôle décisif dans l’unification de l’Allemagne et dans la mise au point des paramètres de la nouvelle architecture de la sécurité européenne, des assurances spécifiques ont été faites au leadership soviétique puis russe concernant la non-expansion de l’Otan vers l’Est. Des comptes rendus correspondants des négociations existantes dans nos archives et dans celles de l’Occident. Mais ces assurances des dirigeants occidentaux se sont avérées être une tromperie, ils n’avaient jamais l’intention de les respecter.

Ils n’ont jamais été dérangés par le fait que, en rapprochant l’Otan des frontières de la Russie, ils violaient grossièrement les engagements officiels pris au sommet en 1999-2010 au niveau l’OSCE de ne pas renforcer leur propre sécurité au détriment de la sécurité des autres et de ne pas permettre la domination militaro-politique en Europe de n’importe quel pays, groupe de pays ou organisations. L’Otan faisait obstinément, et continue de faire, précisément ce qu’elle s’était engagée à ne pas faire.

Fin 2021-début 2022, nos propositions de conclure des accords avec les États-Unis et l’Otan sur des garanties mutuelles de sécurité en Europe sans changer le statut non aligné de l’Ukraine ont été arrogamment rejetées. L’Occident a continué à militariser systématiquement le régime de Kiev, qui est arrivé au pouvoir à la suite d’un coup d’État sanglant et a été utilisé comme un tremplin pour créer des menaces militaires directes à notre pays et pour détruire son patrimoine historique sur des terres d’intérêts russes légitimes.

La série d’exercices conjoints récents entre les États-Unis et leurs alliés européens de l’Otan, y compris avec des simulations de l’utilisation d’armes nucléaires sur le territoire de la Fédération de Russie, a été sans précédent depuis la fin de la guerre froide. La mission déclarée d’infliger à la Russie une “défaite stratégique” a finalement aveuglé les politiciens irresponsables, obsédés par leur propre impunité et ayant perdu tout sens élémentaire de l’auto-préservation.

Une nouvelle manifestation dangereuse de l’expansionnisme de l’Otan a été la tentative d’étendre la zone de responsabilité de l’Alliance sur tout l’hémisphère Est, sous le slogan trompeur de “l’indivisibilité de la sécurité de l’Euro-Atlantique et de la région Indo-Pacifique”. Pour accomplir cette mission, Washington crée des mini-alliances militaro-politiques sous son contrôle, telles qu’Aukus, le trio États-Unis-Japon-République de Corée, et le quatuor Tokyo-Séoul-Canberra-Wellington. Il les rapproche de la coopération pratique avec l’Otan, qui installe son infrastructure dans le théâtre du Pacifique. L’orientation manifeste de ces efforts contre la Russie et la Chine ainsi pour démanteler l’architecture régionale inclusive basée sur le consensus autour de l’Asean génère des risques de créer un nouveau foyer dangereux de tensions géopolitiques, en plus de celui déjà extrêmement tendu en Europe.

Cela donne vraiment l’impression que les États-Unis et l’Occident collectif qui leur est totalement soumis ont décidé de donner une projection globale à la doctrine Monroe. Des projets aussi illusoires que dangereux, mais qui n’arrêtent pas les idéologues de la nouvelle édition de la Pax Americana.

Il en est arrivé à un point où les élites dirigeantes occidentales, en violation de la Charte des Nations unies, indiquent à d’autres pays avec qui et comment développer des relations interétatiques. Ils leur refusent essentiellement le droit à des intérêts nationaux, à une politique étrangère indépendante. Dans la déclaration de Vilnius de l’Alliance atlantique, “le partenariat qui se renforce entre la Russie et la Chine” est caractérisé comme une “menace pour l’Otan”.

S’exprimant récemment devant les ambassadeurs français, Emmanuel Macron a exprimé une véritable préoccupation concernant l’expansion des Brics, considérant cet évènement comme un témoignage de la “complexification de la situation sur la scène internationale, menaçant d’affaiblir l’Occident et, en particulier, l’Europe… Une révision de l’ordre mondial est en cours, de ses principes, des différentes formes de son organisation, où l’Occident a occupé et occupe des positions dominantes”. Quelles révélations : si quelqu’un quelque part se réunit sans nous, se lie d’amitié sans nous ou sans notre permission, cela est considéré comme une menace à notre domination. La progression de l’Otan dans la région Asie-Pacifique est un bien, tandis que l’expansion des Brics est dangereuse.

L’Occident collectif, dirigé par les États-Unis, s’est autoproclamé arbitre du sort de toute l’humanité et, emporté par un complexe d’exceptionnalisme, ignore de plus en plus l’héritage des pères fondateurs de l’ONU. Il a l’intention de remplacer l’architecture onusienne du système mondial par un “ordre fondé sur des règles”. Ces règles, que personne n’a vues (ou plutôt, qui n’ont été montrées à personne), peuvent être clairement comprises en observant les actions fourbes et hypocrites des ingénieurs géopolitiques anglo-saxons et autres.

En paroles, sans nier la nécessité de respecter les normes et les principes de la Charte des Nations unies, l’Occident les applique de manière sélective, en prenant uniquement ce qui sert ses besoins géopolitiques égoïstes du moment. Tous les principes de la Charte doivent être respectés non pas de manière sélective, mais dans leur intégralité et leur interconnexion, dans l’intérêt d’une réglementation équitable des relations internationales : l’égalité souveraine des États, la non-ingérence dans leurs affaires intérieures, le respect de l’intégrité territoriale, l’égalité et l’autodétermination des peuples, le respect des libertés fondamentales pour tous, l’obligation de mettre en œuvre les décisions du Conseil de sécurité de l’ONU et de renforcer l’ONU en tant que centre de coordination des actions.

Il est très révélateur que Washington, Londres et leurs alliés, jamais, dans aucune situation, ne mettent en œuvre, voire ne mentionnent, le principe de base de la Charte : “L’ONU est fondée sur l’égalité souveraine des États”. Ce principe est destiné à garantir à tous les pays une place digne dans le monde, quelles que soient leur taille, leur forme de gouvernement, ou leur système politique ou socioéconomique. L’Occident essaie de diviser le monde entre “démocraties”, à qui tout est permis, et tous les autres, qui sont tenus de servir les intérêts du “milliard doré”. La quintessence du “complexe d’exceptionnalisme” occidental a été publiquement exprimée par le chef de la diplomatie de l’UE, Josep Borrell, qui a déclaré que “l’Europe est un jardin d’Eden, tandis que le reste du monde est une jungle”. Ce n’est plus de “l’égalité souveraine”, c’est du colonialisme pur et simple.

L’Occident collectif viole constamment le principe fondamental de la non-ingérence dans les affaires intérieures d’autres pays. Les exemples sont nombreux, allant de l’Amérique centrale à la Yougoslavie en passant par l’Irak et la Libye. Actuellement, une attention particulière est accordée à l’expansion dans l’espace postsoviétique. Il est bien connu que depuis l’effondrement de l’URSS, les États-Unis ont clairement l’intention de subjuguer l’Ukraine.

Comme l’a publiquement et fièrement reconnu Victoria Nuland, alors vice-secrétaire d’État par intérim des États-Unis, fin 2013, Washington a dépensé 5 milliards de dollars pour soutenir des politiciens obéissants à Kiev. En 2004-2005, l’Occident, dans le but de porter au pouvoir un candidat pro-américain, a sanctionné le premier coup d’État en Ukraine, forçant la Cour constitutionnelle ukrainienne à prendre une décision illégale sur la tenue d’un troisième tour d’élections non prévu par la loi fondamentale du pays. Une ingérence encore plus flagrante dans les affaires intérieures a été manifestée lors du deuxième Maïdan en 2013-2014. À l’époque, une série de voyageurs occidentaux encourageaient directement les participants aux manifestations antigouvernementales à des actions violentes.

Victoria Nuland a aussi discuté avec l’ambassadeur des États-Unis à Kiev de la composition du futur gouvernement qui serait formé par les putschistes. Elle a également indiqué à l’Union européenne sa véritable place dans la politique mondiale, en substance : ne vous mêlez pas de ce qui ne vous regarde pas. En février 2014, les personnages sélectionnés par les Américains sont devenus les acteurs clés du coup d’État sanglant, organisé, je le rappelle, un jour après avoir atteint un accord sous l’égide de l’Allemagne, de la Pologne et de la France entre le président légitimement élu de l’Ukraine, Viktor Ianoukovitch, et les dirigeants de l’opposition. Le principe de la Charte des Nations unies sur la non-ingérence dans les affaires intérieures a été foulé aux pieds à maintes reprises.

Immédiatement après le coup d’État, les putschistes ont déclaré que leur priorité absolue était de réduire les droits des citoyens russophones d’Ukraine. Et les habitants de la Crimée et du Sud-Est du pays, qui ont refusé de se conformer aux résultats de la prise de pouvoir anticonstitutionnelle, ont été qualifiés de terroristes, déclenchant contre eux une opération punitive. En réponse à cela, la Crimée et le Donbass ont organisé des référendums, en totale conformité avec le principe d’égalité et d’autodétermination des peuples, en vertu du paragraphe 2 de l’Article 1 de la Charte des Nations unies.

Les diplomates et politiciens occidentaux, en ce qui concerne l’Ukraine, évitent soigneusement cette norme fondamentale du droit international, cherchant à réduire tout le contexte et l’essence de ce qui se passe à l’inadmissibilité de la violation de l’intégrité territoriale.

À cet égard, il est important de souligner : dans la Déclaration de l’ONU de 1970 sur les principes du droit international concernant les relations amicales et la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations unies, adoptée à l’unanimité, il est stipulé que le principe du respect de l’intégrité territoriale est applicable aux “États qui respectent dans leurs actions le principe de l’égalité et de l’autodétermination des peuples (…) et, par conséquent, ont des gouvernements qui représentent (…) tout le peuple vivant sur ce territoire”. Le fait que les néonazis ukrainiens, ayant pris le pouvoir à Kiev à la suite d’un coup d’État, ne représentaient pas la population de la Crimée et du Donbass ne nécessite pas de preuves. Et le soutien inconditionnel des capitales occidentales aux actions du régime criminel de Kiev n’est rien d’autre qu’une violation du principe de l’autodétermination après une ingérence flagrante dans les affaires intérieures.

L’adoption de lois racistes, qui a suivi le coup d’État sous le régime de Piotr Porochenko et puis de Vladimir Zelenski, interdisant tout ce qui est russe – l’éducation, les médias, la culture, la destruction de livres et de monuments, l’interdiction de l’Église orthodoxe ukrainienne et la saisie de ses biens, est devenue une violation flagrante du paragraphe 3 de l’Article 1 de la Charte des Nations unies sur le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous sans discrimination de race, de sexe, de langue ou de religion. Sans parler du fait que ces actions contredisaient directement la Constitution ukrainienne, qui établit l’obligation de l’État de respecter les droits des Russes et d’autres minorités nationales.

Kiev était tenu à remplir ses obligations internationales en vertu des Accords de Minsk du 12 février 2015, approuvés par la résolution spéciale 2202 du Conseil de sécurité de l’ONU, en pleine conformité avec l’Article 36 de la Charte, qui soutient “toute procédure du règlement d’un litige acceptée par les parties”. En l’occurrence, par Kiev, RPD et RPL. Cependant, l’année dernière, tous les signataires des Accords de Minsk, à l’exception de Vladimir Poutine (Angela Merkel, François Hollande et Piotr Porochenko), ont reconnu publiquement et même avec plaisir qu’en signant ce document, ils n’avaient pas l’intention de le mettre en œuvre. Mais ils cherchaient seulement à gagner du temps pour renforcer le potentiel militaire de l’Ukraine et lui fournir des armes contre la Russie. Toutes ces années, l’UE et l’Otan soutenaient directement le sabotage des Accords de Minsk, poussant le régime de Kiev à résoudre par la force le “problème du Donbass”. Cela a été fait en violation de l’Article 25 de la Charte, selon lequel tous les membres de l’ONU sont obligés “de respecter et de mettre en œuvre les décisions du Conseil de sécurité”.

Je voudrais vous rappeler que dans le cadre des Accords de Minsk, les dirigeants de la Russie, de l’Allemagne, de la France et de l’Ukraine ont signé une déclaration dans laquelle Berlin et Paris s’engageaient à faire beaucoup de choses, notamment aider à restaurer le système bancaire dans le Donbass. Mais ils n’ont rien fait. Ils observaient seulement comment Piotr Porochenko a déclaré, contrairement à ses obligations, un blocus commercial, économique et de transport du Donbass.

Dans la même déclaration, Berlin et Paris ont dit qu’ils contribueraient au renforcement de la coopération trilatérale au format Russie-Ukraine-UE afin de résoudre en pratique les problèmes qui préoccupaient la Russie dans le domaine commercial, ainsi que de promouvoir “la création d’un espace social et économique commun de l’Atlantique à l’océan Pacifique”. Cette déclaration a également été approuvée par le Conseil de sécurité et était soumise à sa mise en œuvre conformément à l’article 25 mentionné de la Charte de l’ONU. Mais cet engagement des dirigeants allemands et français s’est avéré être une “coquille vide”, une autre violation des principes statutaires.

Le légendaire ministre des Affaires étrangères de l’URSS, Andreï Gromyko, a souligné à juste titre à plusieurs reprises : “Dix ans de négociations valent mieux qu’un jour de guerre.” En suivant ce principe, nous avons négocié pendant de nombreuses années, cherché à conclure des accords dans le domaine de la sécurité européenne, approuvé l’Acte fondateur Otan-Russie en 1997, adopté la déclaration de l’OSCE sur l’indivisibilité de la sécurité au plus haut niveau et, depuis 2015, nous avons insisté sur la mise en œuvre inconditionnelle des Accords de Minsk issus des négociations. Tout cela dans le plein respect de la Charte des Nations unies qui exige “d’assurer les conditions d’équité et de respect des obligations découlant des traités et autres sources du droit international”.

Les collègues occidentaux ont bafoué ce principe lorsqu’ils signaient des documents, sachant d’avance qu’ils ne les respecteraient pas.

Aujourd’hui dans la rhétorique de nos adversaires nous n’entendons que des slogans : “invasion, agression, annexion”. Pas un mot sur les causes profondes du problème, sur la manière dont ils soutenaient pendant de nombreuses années un régime ouvertement nazi réécrivant ouvertement les résultats de la Seconde Guerre mondiale et l’histoire de son propre peuple. L’Occident évite toute discussion substantielle basée sur des faits et sur le respect de toutes les exigences de la Charte de l’ONU. Il n’a aucun argument pour un dialogue honnête.

On a l’impression que les représentants occidentaux ont peur des discussions professionnelles dénonçant leur démagogie. Répétant des mantras sur l’intégrité territoriale de l’Ukraine, les anciennes métropoles coloniales gardent le silence sur les décisions de l’ONU sur la nécessité pour Paris de rendre Mayotte “française” à l’Union des Comores, et pour Londres de quitter l’archipel des Chagos et de commencer des négociations avec Buenos Aires sur les Malouines. Ces “partisans” de l’intégrité territoriale de l’Ukraine prétendent désormais qu’ils ne se souviennent pas du fond des Accords de Minsk, à savoir la réunification du Donbass avec l’Ukraine avec des garanties de respect des droits de l’homme fondamentaux, notamment le droit à la langue maternelle. L’Occident, qui a sapé leur mise en œuvre, porte la responsabilité directe de l’effondrement de l’Ukraine et de l’incitation à la guerre civile dans ce pays.

Parmi les autres principes de la Charte des Nations unies, dont le respect pourrait empêcher une crise de sécurité en Europe et aider à mettre au point des mesures de confiance fondées sur un équilibre des intérêts, je voudrais souligner l’Article 2 du chapitre 8 de la Charte. Il implique la nécessité de développer la pratique du règlement pacifique des différends avec l’aide des organisations régionales.

Conformément à ce principe, la Russie et ses alliés préconisait toujours l’établissement de contacts entre l’OTSC et l’Otan pour faciliter la mise en œuvre pratique des décisions des sommets de l’OSCE sur l’indivisibilité de la sécurité en Europe. Cependant, de nombreux appels des plus hautes instances de l’OTSC à l’Otan ont été ignorés. Si l’Otan n’avait pas rejeté les propositions de coopération de l’OTSC, cela aurait peut-être permis d’éviter un nombre des processus négatifs qui ont conduit à la crise européenne actuelle, en raison du fait que pendant des décennies ils refusaient d’écouter la Russie ou la trompaient.

Un ordre mondial libéral centré sur l’Occident est impensable sans deux poids deux mesures. Lorsque le principe de l’autodétermination contredit les intérêts géopolitiques de l’Occident, comme par exemple dans le cas de la libre expression de la volonté des habitants de Crimée, des Républiques populaires de Donetsk et de Lougansk, des régions de Zaporojié et de Kherson en faveur de l’unité avec la Russie, l’Occident non seulement l’oublie, mais condamne aussi fermement le choix du peuple et le punit de sanctions. Lorsque cela profite à l’Occident, l’autodétermination est reconnue comme la “règle” absolue. Il suffit d’évoquer le Kosovo arraché à la Serbie sans aucun référendum.

La détérioration continue de la situation dans cette région serbe est extrêmement préoccupante. Les livraisons d’armes de l’Otan aux Kosovars et leur aide à la création d’une armée violent grossièrement la résolution fondamentale 1244 du Conseil de sécurité de l’ONU. Le monde entier voit à quel point la triste histoire des Accords de Minsk sur l’Ukraine, qui prévoyaient un statut spécial pour les républiques du Donbass et que Kiev a ouvertement saboté avec le soutien de l’Occident, se répète dans les Balkans. Aujourd’hui, l’UE ne veut et ne peut pas obliger ses protégés du Kosovo à remplir les accords de 2013 entre Belgrade et Pristina sur la création d’une Communauté de municipalités serbes du Kosovo qui jouirait de droits spéciaux sur sa langue et ses traditions. Dans les deux cas, l’UE s’est portée garante des accords et apparemment leur sort est similaire. Tel “sponsor”, tel résultat.

Aujourd’hui, Bruxelles, préoccupé par ses ambitions géopolitiques, impose sa “médiation” à l’Azerbaïdjan et à l’Arménie, apportant ainsi avec Washington la déstabilisation dans le Caucase du Sud. Maintenant que les dirigeants d’Erevan et de Bakou ont réglé la question de la reconnaissance mutuelle de la souveraineté des deux pays, le moment est venu d’instaurer une vie paisible et de renforcer la confiance. Le contingent russe de maintien de la paix est prêt à y contribuer de tout son possible.

Afin d’empêcher la démocratisation des relations interétatiques, les États-Unis et leurs alliés privatisent de plus en plus ouvertement et sans ménagement les secrétariats des organisations internationales, faisant adopter, contournant les procédures établies, des décisions sur la création de mécanismes qui leur sont subordonnés avec des mandats non consensuels, mais revendiquant le droit d’accuser ceux qui, pour une raison ou une autre, sont indésirables pour Washington.

Il convient de souligner que les exigences de la Charte de l’Onu s’appliquent également au Secrétariat de l’Organisation mondiale, qui conformément à l’Article 100 de la Charte, doit agir de manière impartiale, ne recevoir de consignes d’aucun gouvernement et, bien entendu, doit respecter le principe de l’égalité souveraine des États membres. À cet égard, de sérieuses questions se posent quant aux déclarations du Secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres du 29 mars, selon lesquelles “un régime autocratique ne garantit pas la stabilité, il est un catalyseur du chaos et des conflits”, mais “les sociétés démocratiques fortes sont aptes à leur propre correction et amélioration. Elles peuvent stimuler des changements, même radicaux, sans effusion de sang ni violence”. On se souvient involontairement des “changements” provoqués par les aventures agressives des “démocraties fortes” en Yougoslavie, en Afghanistan, en Irak, en Libye, en Syrie et dans bien d’autres pays.

Le secrétaire général a ajouté: “Elles (les démocraties) sont des centres de large coopération ancrée dans les principes d’égalité, de participation et de solidarité.” Il est à noter que tout cela a été dit lors du “sommet pour la démocratie” convoqué par le président américain Joe Biden en dehors de l’ONU, dont les participants ont été sélectionnés par l’administration américaine sur la base du principe de loyauté, et non pas tant envers Washington qu’envers les démocrates au pouvoir aux États-Unis. Les tentatives visant à utiliser de tels forums pour discuter de questions mondiales contredisent directement le paragraphe 4 de l’Article 1 de la Charte de l’ONU, qui stipule la nécessité de “garantir le rôle de l’Organisation en tant que centre de coordination des actions pour atteindre des objectifs communs”.

Lors de ce “sommet pour la démocratie”, le secrétaire général a déclaré: “La démocratie découle de la Charte des Nations unies. Les premiers mots de la Charte – “Nous, les peuples” – reflètent la source fondamentale de la légitimité: le consentement des gouvernés. Il est utile de corréler cette thèse avec le “bilan” du régime de Kiev, qui a lancé une guerre contre une grande partie de son propre peuple, contre ces millions de personnes qui n’ont pas accepté à se faire gouverner par des néonazis et russophobes qui ont illégalement pris le pouvoir dans le pays et enterré les Accords de Minsk approuvés par le Conseil de sécurité de l’ONU, portant ainsi atteinte à l’intégrité territoriale de l’Ukraine.

Parlant des principes de la Charte, une question se pose concernant les relations du Conseil de sécurité avec l’Assemblée générale. L’Occident collectif défend de manière agressive et depuis longtemps le thème de “l’abus du droit de veto” et est parvenu, en faisant pression sur les membres de l’ONU, à décider qu’après chaque utilisation de ce droit, que l’Occident provoque de plus en plus délibérément, d’examiner à l’Assemblée générale le sujet en question. Cela ne nous pose aucun problème, car la Russie a une approche ouverte sur toutes les questions à l’ordre du jour, nous n’avons rien à cacher et il n’est pas difficile de réaffirmer notre position. En outre, le recours au veto est un outil tout à fait légitime prévu par la Charte pour empêcher l’adoption de décisions qui seraient lourdes de scission au sein de l’Organisation.

Mais puisque la procédure de discussion des cas d’utilisation du veto à l’Assemblée générale a été approuvée, pourquoi ne pas penser aux résolutions du Conseil de sécurité qui ont été adoptées sans aucun veto, y compris il y a de nombreuses années, mais qui n’étaient jamais mises en œuvre. Pourquoi l’Assemblée générale ne devrait-elle pas examiner les causes de cet état de choses, par exemple, écouter ceux qui ont perturbé la mise en œuvre des résolutions du Conseil de sécurité sur la Palestine et sur l’ensemble des problèmes au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, sur le règlement du programme nucléaire iranien, ainsi que la résolution 2202, qui a approuvé les Accords de Minsk sur l’Ukraine?

Le problème lié aux volets de sanctions mérite également une attention particulière. C’est déjà devenu une norme: le Conseil de sécurité, après de longues négociations, en stricte conformité avec la Charte, approuve des sanctions contre un pays concret, puis les États-Unis et leurs alliés introduisent des restrictions unilatérales “supplémentaires” contre cet État n’ayant pas reçu l’approbation du Conseil de sécurité et pas inclus dans la résolution du “paquet” convenu. Dans la même lignée s’inscrit la décision prise par Berlin, Washington, Paris et Londres, à travers leurs normes législatives nationales, de “prolonger” des restrictions contre l’Iran qui expirent en octobre 2023 et qui sont sujettes à une levée légale conformément à la résolution 2231 du Conseil de sécurité de l’ONU. Autrement dit, la validité de la décision du Conseil de sécurité a expiré, mais les Occidentaux s’en fichent. Ils ont leurs propres “règles”.

La politique agressive, étroite et intéressée de la minorité occidentale a provoqué une grave crise dans les relations internationales. Les risques de conflit mondial augmentent. Il existe cependant une solution. Premièrement, chacun doit prendre conscience de sa responsabilité du sort du monde dans un contexte historique et non du point de vue de la situation électorale lors des prochaines élections nationales. Il y a près de 80 ans, en signant la Charte des Nations unies, les dirigeants du monde sont convenus de respecter l’égalité de tous les États, reconnaissant ainsi la nécessité d’un ordre mondial égal et polycentrique comme garantie de la durabilité et de la sécurité de leur développement.

Il est nécessaire d’œuvrer pour que l’esprit de multipolarité inscrit dans la Charte des Nations unies se réalise. Un nombre croissant d’États de la majorité mondiale veulent renforcer leur souveraineté et de défendre leurs intérêts nationaux, leurs traditions, leur culture et leur mode de vie. Ils ne veulent vivre sous la dictée de personne, ils veulent être amis et commercer entre eux et avec le reste du monde uniquement sur un pied d’égalité et dans l’intérêt mutuel, dans le cadre d’une architecture multipolaire objectivement émergente. C’est ce qui a prévalu lors des récents sommets des Brics, du G20 et de l’Asie de l’Est.

L’objectif consistant à réformer rapidement les mécanismes de la gouvernance mondiale passe au premier plan. Les États-Unis et leurs alliés doivent abandonner les restrictions artificielles sur la redistribution des quotas de vote au FMI et à la Banque mondiale, reconnaissant le poids économique et financier réel des pays du Sud global. Le travail de l’Organe de règlement des différends de l’OMC devrait également être immédiatement débloqué.

L’élargissement du Conseil de sécurité uniquement en éliminant la sous-représentation des pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine dans sa composition est également de plus en plus sollicité. Il est important que les nouveaux membres du Conseil de sécurité – permanents et non permanents – jouissent de l’autorité à la fois dans leurs régions et au sein d’organisations mondiales telles que le Mouvement des non-alignés, le Groupe des 77 et l’Organisation de la coopération islamique.

C’est le moment d’envisager des méthodes plus équitables pour former le Secrétariat de l’ONU. Les critères en vigueur depuis de nombreuses années ne reflètent pas le poids réel des États dans les affaires mondiales et assurent artificiellement la domination écrasante des citoyens des pays de l’Otan et de l’UE. Ces déséquilibres sont encore aggravés par un système de contrats à durée indéterminée qui lient leurs titulaires à la position de pays hôtes des sièges des organisations internationales, dont la quasi-totalité est située dans les capitales qui mènent une politique occidentale.

Tous les efforts visant à réformer l’ONU devraient viser à établir la suprématie du droit international et à faire revivre l’Organisation en tant qu’organe central de coordination de la politique mondiale. Où on s’entend sur la manière de résoudre les problèmes ensemble, sur la base d’un juste équilibre des intérêts.

Dans le même temps, le potentiel de nouveaux types d’associations reflétant les intérêts des pays du Sud global doit être pleinement mis en jeu. Il s’agit avant tout des Brics, qui ont considérablement augmenté leur autorité à la suite du sommet de Johannesburg et acquis une véritable influence mondiale. Au niveau régional, on assiste à une renaissance d’organisations telles que l’Union africaine, la Celac, la Ligue arabe, le CCG et d’autres structures. En Eurasie, l’harmonisation des processus d’intégration dans le cadre de l’OCS, de l’Asean, de l’OTSC, de l’Union économique eurasiatique, de la CEI et du projet chinois La Ceinture et la Route prend de l’ampleur. Il y a une formation naturelle du Grand Partenariat eurasien ouvert à la participation de toutes les associations et de tous les pays de notre continent commun sans exception.

Les tendances positives sont contrées par les tentatives de plus en plus agressives de l’Occident de maintenir sa domination dans la politique, l’économie et la finance mondiales. Il est dans l’intérêt commun d’éviter la fragmentation du monde en blocs commerciaux et macrorégions isolés. Mais si les États-Unis et leurs alliés ne veulent pas s’entendre pour donner aux processus de mondialisation un caractère juste et égalitaire, alors les autres devront tirer des conclusions et réfléchir à des mesures qui contribueront à ne pas compromettre les perspectives de leur développement socioéconomique et du développement technologique, leur sécurité dépendant des instincts néocoloniaux des anciennes métropoles.

Le 5 octobre lors d’une réunion du Forum Valdaï, le Président de la Fédération de Russie Vladimir Poutine s’est clairement prononcé en faveur du renforcement du droit international sur la base de la Charte des Nations unies et a avancé six principes pour la formation d’une véritable multipolarité: l’ouverture et l’interconnexion du monde – sans barrières à la communication, le respect de la diversité comme fondement du développement commun, une représentation maximale dans les structures de gouvernance mondiale, la sécurité universelle sur l’équilibre des intérêts de tous, un accès équitable aux biens du développement, l’égalité pour tous, le rejet du diktat des “riches ou puissants”.

Vladimir Poutine a souligné : “Il s’agit pour nous de construire un nouveau monde.” Il ne s’agit pas de repartir de zéro, en effaçant tout ce qui a été créé par les prédécesseurs. Il existe une base solide pour construire un nouveau monde : c’est la Charte des Nations unies. L’essentiel est désormais d’empêcher sa destruction par une jonglerie sélective et opportuniste avec les principes statutaires, de parvenir à leur mise en œuvre dans leur intégralité et à l’interconnexion par tous les pays.

Si les membres de la communauté mondiale trouvent la détermination de revenir aux origines et de traduire leurs obligations au titre de la Charte des Nations unies en actions concrètes, alors l’humanité aura une chance de surmonter l’héritage néfaste de l’époque unipolaire.

La préparation du Sommet du futur l’année prochaine, à l’initiative du Secrétaire général de l’Onu, montrera à quel point chacun est prêt à prendre conscience de sa responsabilité propre et collective du sort du monde.

Comme l’a déclaré Antonio Guterres lors d’une conférence de presse à la veille de la 78e session de l’Assemblée générale, «si nous voulons une paix et une prospérité fondées sur l’égalité et la solidarité, alors les dirigeants assument la responsabilité particulière de parvenir à un compromis pour concevoir notre avenir commun». Des paroles en or ! C’est dans la recherche du consensus, et non dans la division du monde en «démocraties» et «autocraties» que réside la mission des Nations unies. La Russie avec ses partenaires est entièrement prête à contribuer à sa mise en œuvre.

Service de presse de l’ambassade de Russie au Mali

Source : L’Essor

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