Islam et hamallisme : l’histoire des gagnants et des perdants  

Mohamédou ould Cheick Hamallah HAIDARA dit Bouyé, chef de la communauté hamalliste, basé à Nioro du Sahel. « La béatitude et la malédiction », tel est l’intitulé de la nouvelle contribution du Pr Cheikh Tahirou DOUCOURE, Professeur en sciences islamiques, basé à Dakar, au Sénégal. Le fil conducteur de son argumentaire est que, « dans les prescriptions de l’Islam, la généalogie n’est pas un atout, mais, c’est, plutôt, et surtout, la piété qui prime ». Il en va de même pour le hamallisme qui vit en ce moment des péripéties similaires à celles vécues par nos devanciers dans le sentier de Dieu, à la source même de l’Histoire tourmentée de l’Humanité. Cela est attesté par la vie des prophètes, du premier au dernier, dont la propre famille est constituée d’anges et de démons, c’est-à-dire de gagnants (béatitude) et de perdants (malédiction), ici-bas comme dans l’au-delà. C’est du moins le parallélisme de fond et de forme établi par le Doyen DOUCOURE pour faire réfléchir au sein de la communauté hamalliste, en particulier, dont le chef moral et spirituel a le grand avantage et l’immense privilège d’incarner et de revendiquer la double filiation biologique et spirituelle de la Hamawiya, le courant religieux fondé par son père Ahmad Hamahoulah. Et coïncidence historique bien au-delà de l’anecdotique, il porte le même nom que le prophète de l’islam : Mohamed, affectueusement appelé le Chérif de Nioro du Sahel.    

Voici ci-dessous l’intégralité de cette contribution.

 Louange à ALLAH

Chers frères hamallistes !

La « baya » ou l’acte d’allégeance est régie par des règles protégées par des conditions. C’est pour cela que personne ne pourra y trouver un assentiment sans préalablement passer par la conception.

Mouhamédou Ibn Seydiyi, communément appelé le Chérif de Nioro, est, aujourd’hui, le guide suprême du hamallisme. Par conséquent, quiconque tentera d’évoluer, légitimement, dans cette entité, en dehors de son autorité, n’aura comme résultat qu’un échec total.

Pour pouvoir connaître le vécu d’aujourd’hui, il faut d’abord passer en revue ce qui a été vécu hier ; sans cela, la comparaison entre les parallèles sera un remède pire que le mal.

Pour illustrer nos propos, référons-nous au Coran.

D’abord, lorsque ALLAH (swt), notre Seigneur, ordonna aux anges de se prosterner devant Adam, ils se prosternèrent tous, sauf Iblis, Satan le maudit.

L’histoire des perdants

Il fut le premier perdant.

Ensuite, quand Adam, une fois sur terre, organisa sa famille, ses deux fils, Hâbilou et Khâbilou, furent les plus distingués de ladite famille. Mais le premier était obéissant, modeste et pieux ; par contre, le second se distingua récalcitrant, immodéré et désobéissant. Quand ils présentèrent leurs offrandes afin d’obtenir la bénédiction du Seigneur, celle de Hâbilou fut acceptée tandis que celle de Khâbilou, rejetée. Courroucé et obnubilé par la haine, ce dernier tua son frère. Aussitôt, il fut maudit.

Et il fut le second perdant.

Puis, ce fut le tour Nouhou, le premier des messagers doués de fermeté qui était envoyé à son peuple pour pratiquer « le tawhid », c’est-à-dire l’unicité d’Allah dans l’adoration et se débarrasser du paganisme. Malgré tous les efforts fournis, pendant sa longue vie de 1000 ans excepté 50 ans, la majorité ne le suivit pas.

Dépité, voici ce qu’il dit :

Seigneur ! J’ai appelé mon peuple, nuit et jour.

Mais mon appel n’a fait qu’accroître leur fuite.

Sourate 71, Nuh, Noé, V 5 et 6.

Ce fut, à la suite, que le Seigneur lui ordonna de construire l’arche qui, le moment venu, serait la seule bouée de sauvetage contre le déluge. Cela fut fait. Les croyants y compris ses trois fils : Sam, Ham et Yafis obéirent. Par contre, son quatrième fils, Kane Anou préféra se joindre aux contestataires.

Quand le déluge arriva, le père constata que son fils était sur le point de se noyer, il implora Allah (swt) pour le sauver.

Et voici la réponse coranique :

Oh Noé, il n’est pas de ta famille car il a commis un acte infâme.

Ne me demande pas ce dont tu n’as aucune connaissance. […]

Sourate 11, Hub, V 46.

Il fut le troisième perdant.

Après, ce fut Abraham Khaliloulahi, l’ami d’Allah (swt) comme décrit dans le Coran. Ses fils Ismaël et Isaac furent comme lui des messagers, mais ce fut, avec le premier, qu’il érigea la Kaaba. Au terme de leurs travaux, il s’adressa à ALLAH en ces termes :

[…] Ô ! Notre Seigneur, accepte ceci de notre part ! Car c’est Toi l’Audient et l’Omniscient.

Sourate 2, Al – Baqarah, la vache, V 127.

La progéniture d’Ismaël fut la source des nations arabes qui se succédèrent jusqu’à l’an 400 après Jésus Christ, année où naquit Khoussèye Ibn Khilāba, quatrième grand-père du prophète Mouhamed (saws), qui, à l’âge mûr, réhabilita les khoureichs dispersés dans les plaines et savanes. En ce temps-là, les clefs de la Kaaba étaient détenues par la tribu Khouzahata, mais, par sa dextérité, il parvint à les récupérer. Cela amena les notables khoureichs à le désigner comme leur chef.

Par la suite, le temps et l’âge aidant, il confia le pouvoir à ses trois fils qui étaient tous des distingués : Abdou Manaf, Abdou Dari et Abdoul Houzzâ. Le premier, Abdou Manaf, qui était le plus doué, continua à exceller comme son père. Et il eut, à son tour, deux garçons très distingués : Abdou Samsine et Hâhsim qui coexistèrent, ensemble, harmonieusement.

A la mort d’Abdou Samsine, Hâhsim, devenant le seul dépositaire de l’autorité ancestrale, procéda à l’organisation de la famille en appelant à l’unité et à la cohésion. Ainsi, ses enfants et ceux de son frère Abdou Shams obéirent, sauf un seul, Oumèyeyata, qui devint dissident, refusant de reconnaître l’autorité de son oncle Hâhsim. Les autres enfants, surtout Rabiata qui était le moins âgé mais aussi le plus respecté, le réprimandèrent tout comme les notables khoureichs qui lui dirent :

« N’assombris pas la réputation ancestrale d’Abou Manaf,

Hâhsim est le frère consanguin de ton père».

Le mounafara ou le pari du véridique

Mais ce fut peine perdue dans la mesure où Oumèyeyata, fils de Abdou Shams, tenait coûte que coûte à ravir à Hâhsim, son oncle, l’autorité ancestrale et il poussa l’outrecuidance jusqu’à inviter ce dernier à un « mounafara », c’est-à-dire un pari de prédilection.

Hâhsim lui dit :

« Si tu n’as que le « mounafara », ou le pari, à me proposer alors que tu es le fils de mon frère, j’accepte et je propose qu’il soit de cinquante chameaux que le perdant offrira au victorieux et, en plus, il s’expatriera de la Mecque pendant dix ans ».

Oumèyeyata accepta, sûr de lui-même et convaincu qu’il serait le vainqueur.

Le verdict fut confié à Al kâhinou al khouzariyou, le devin incontesté de la tribu khouzahata qui était le juge dont les verdicts étaient exécutoires et qui, dans des circonstances pareilles, avait le dernier mot. Le jour du « mounafara » ou du pari, tous les grands notables des tribus arabes étaient présents.

Le devin entra dans sa synagogue. A sa sortie, tout le monde avait les yeux rivés sur lui, attendant impatiemment, son verdict qui fut le suivant :

« Walkhamari al bahiriwalkawkabi al zâhiriwalkhamami al mâtiri la khadsabakhaHâhsimouOumèyeyataillalmaâsiri » :

« Je jure par la lune reluisante, l’astre flamboyant et les nuages pluvieux, Hâhsim a devancé à Oumèyeyata dans les privilèges ».

La déconvenue fut totale pour Oumèyeyata, le neveu récalcitrant, qui, humilié, s’exécuta devant Hâhsim, son oncle victorieux. Il paya alors l’amende de chameaux que son oncle prit, fit dépecer et distribua aux nécessiteux. Ensuite, il s’exila à Sam pendant dix longues années.

A son retour, il était devenu vieux et il mourut sans jamais se relever des souvenirs de sa défaite subie face à son oncle. Quant à ses enfants, avec à leur tête Harb, ils avaient perdu, avant le retour de leur père, la notoriété que ce dernier avait. Ce fut, plutôt les enfants de Rabiata, fils d’Abdou Shams, le frère consanguin de leur père qui étaient devenus les maîtres.

Ce fut pour cette raison, qu’à l’apparition de l’Islam, en l’an 610, ce fut l’un d’eux, Outbatou, fils de Rabiata, fils d’Abdou Shams qui fut désigné par les notables khoureichs pour aller rencontrer le prophète Mouhamed (saws) afin de le dissuader et de le faire revenir à eux.

Au fil du temps, après l’immigration, quand il y eut la bataille de Badr Outbatou, son frère Sèyebatou et son fils Al Walîdou furent tués et la chefferie revint à Abou Soufiane, fils de Harb, fils de d’Oumèyeyata qui, entre temps, avait épousé Hindi, fille d’Outbatou Ibn Rabiata, sa cousine.

Ce fut cet Abou Soufiane qui dirigea tous les combats contre le prophète Mouhamed (saws) depuis la bataille de Houde jusqu’à la libération de la Mecque.

La réhabilitation grâce au khalife Ousmane

Ce fut, après la disparition du prophète Mouhamed (saws) en l’an 632 et ses deux successeurs Aboubakr (ra) et Oumar (ra) qu’Ousmane (ra) fils d’Afâne, fils d’AbilAssî fils d’Oumèyeyata fils d’Abdou Shams devint troisième khalif, raison donnant l’occasion aux descendants d’Oumèyeyata, du fait qu’Ousmane est un des leurs, de rediriger les affaires.

Le troisième khalif Ousmane (ra) avait confié les rênes du pouvoir à ses cousins dirigés par Marwane Ibn Khâkane. Cela fut la principale raison ayant incité les troupes des différentes communautés à déclencher la révolution qui aboutit à son assassinat.

Lorsque le quatrième khalifAliou fils d’AbîTalib fils d’Abdou Mouttalib fils de Hâhsim fut désigné, Mouhawiha, fils d’Abou Soufiane, fils de Harb, fils d’Oumèyeyata entra en dissidence, arguant qu’il faudrait d’abord punir les assassins du troisième khalif avant d’en désigner un quatrième. Cela n’était, pour lui, qu’un prétexte, car il ne voulait pas que le pouvoir échappât aux descendants d’Abdou Shams.

D’ailleurs, après l’assassinat de l’imam Aliou (ra), le quatrième khalif, Mahawiya, usant d’intimidation, de mensonge et de corruption, s’autoproclama khalif, épaulé par ses cousins et leurs complices.

Lui aussi, à son tour, désigna comme successeur son fils Hâzidou qui, une fois khalif, organisa la bataille de Karbala où furent tués Al Housseyni (ra), petit-fils du prophète Mouhamed (saws) et ses compagnons.

Quand la tête de Housseyni (ra) et celles de ses compagnons furent déposées devant lui, dans son palais, à Damas, voici ce qu’il dit :

« Inîkhadèyetouminalnabîyidouhoûni » : « Enfin ! Les dettes que me devait Mouhamed me sont payées».

Chers frères hamallistes !

Si nous avons relaté ces faits, c’est pour que vous puissiez comprendre, à travers les stations de l’histoire qu’il y a, toujours, eu des ordures aux côtés des verdures.

C’est pourquoi, tout ce que nous voyons, aujourd’hui, comme agissements provenant des renégats, ne fait que nous rappeler les parcours des prédécesseurs perdants.

Ce fut pour cela que le messager Mouhamed (saws) avait été averti et rassuré par ALLAH (swt) face aux mécréants et hypocrites en ces termes :

Endure (…) donc comme ont enduré les messagers doués de fermeté, et ne te montre pas trop pressé de les voir subir (leur châtiment).

Le jour où ils verront ce qui leur est promis, il leur semblera qu’ils n’étaient restés (sur terre) qu’une heure d’un jour […].

Sourate 46, Al –Al-Ahqaf, les coalisés, V 35

Retenons que dans les prescriptions de l’Islam, la généalogie n’est pas un atout, mais, c’est, plutôt, et surtout, la piété qui prime.

Pour illustrer nos propos, prenons, comme relaté plus haut, le cas de Kane Ane, le quatrième fils du premier messager de fermeté, Nouhou (saws).

Quand son père implora le pardon d’ALLAH (swt) à son sujet, la réponse du Seigneur fut : « Non ! » étant donné que ce fils fut un perdant, un incroyant.

Rappelons que les quatre premiers messagers de fermeté étaient respectivement : Nouhou, Ibrahima, Moussa et Issa. Le cinquième fut Mouhamed (saws).

Pour conclure, retenons que tout ce qui fut valable, hier, pour Kane Ane, l’impie, l’est aujourd’hui et le sera demain pour ses semblables.

Q’ALLAH (swt), notre Seigneur, nous éclaire et nous assiste !

 Par Cheikh Tahirou DOUCOURE, Professeur en sciences islamiques

Dakar Zone B Villa 16 B

Janvier 2022