Un conseil de défense sur l’incertaine stratégie française au Sahel

Lors d’un récent conseil de défense tenu le 14 novembre, Emmanuel Macon, a tenté avec les chefs de l’armée française, d’imaginer un nouveau dispositif militaire de voir comment poursuivre et même étendre la guerre contre les djihadistes en Afrique de l’Ouest.

Les derniers soldats français ont évacué les camps de Tessalit, de Kidal, de Tombouctou, de Gossi et de Menaka depuis la fin 2021. Celui de Gao, qui fut pendant près de neuf ans la principale base de Serval, puis de Barkhane, fut le dernier basion militaire malien à être occupé par l’armée française. Située dans l’enceinte de l’aéroport de la cité des Askias, il accueillait un millier de militaires, le gros de ses véhicules et une partie de son commandement.

L’idée que le Niger devrait jouer un rôle clé dans ce nouveau dispositif militaire au Sahel, avancée avant l’été, a été mise à mal naturellement avec la prise de pouvoir à Niamey d’une junte militaire hostile à la présence française. C’était du Niger que devaient décoller  les avions de chasse et les drones. Le Niger était destiné à devenir le nouvel épicentre de la lutte antiterroriste de la France, le président Mohamed Bazoum le souhaitait qui estimait que son pays a besoin de l’aide de ses partenaires pour lutter contre les djihadistes. Il l’assénait lorsqu’il était ministre des Affaires étrangères, le rappelait quand il était à la tête de l’Intérieur, et le répètait lorsqu’il occupa le palais présidentiel. On en est pluslà !

La Côte d’Ivoire, le Togo et le Bénin, nouvelles cibles

L’activisme militaire de la France va s’étendre – de même que les groupes djihadistes étendent leur influence. Ainsi, les pays côtiers du Golfe de Guinée devraient à leur tour entrer dans le dispositif antiterroriste imaginé par la France, et notamment la Côte d’Ivoire, le Togo et le Bénin, trois pays du pré carré qui sont de plus en plus menacés par les djihadistes. Le Bénin, dont la frontière avec le Burkina, au nord, est aujourd’hui infestée de djihadistes (tout l’est du Burkina échappant au contrôle des autorités burkinabé), a subi de nombreuses attaques ces derniers mois et s’inquiète. La Côte d’Ivoire et le Togo aussi, bien que la menace soit moins pressante et les attaques plus rares. De même que le Ghana. Demain, le Sénégal et la Guinée pourraient à leur tour être touchés, les djihadistes se rapprochant de leurs frontières (des attaques ont été menées dans les régions maliennes de Kayes et de Bougouni). Tous ces pays comptent sur la coopération de la France pour faire face à l’avancée des groupes armés. Mais on ignore encore pour l’heure quelle forme prendra cette coopération. Verra-t-on des soldats français se battre au sol avec les militaires béninois, togolais et ivoiriens ? Ou la France se contentera-t-elle de fournir du renseignement, d’appuyer les armées depuis les airs, et de les former à la lutte antiterroriste dans la toute nouvelle Académie internationale de lutte contre le terrorisme située à Jacqueville (en périphérie d’Abidjan), sur une superficie de 1 100 hectares, qu’elle a en partie financée ? « C’est précisément de tout cela dont nous discutons », indique la source diplomatique.

Les éléments de langage sont d’ores et déjà en place (et repris par nombre de médias) : la France ne décide plus seule, elle ne fait qu’accompagner ses partenaires dans une coopération vertueuse, c’est une nouvelle guerre qui débute. Ce nouveau dispositif pose cependant un certain nombre de questions. Que se passera-t-il lorsque des soldats français seront au sol sous le feu de l’ennemi ? Continueront-ils d’agir sous commandement du partenaire africain ou répondront-ils aux ordres directs de Paris ? Et quid des frappes aériennes, qui ont abouti à des victimes collatérales au Mali, et qui risquent de se multiplier à l’avenir, puisque la France continue de s’équiper en drones armés et de les envoyer au Sahel ? Qui décidera de frapper : la France ou le partenaire ? Et sur la base de quel renseignement ? Et enfin, en quoi ce dispositif serait plus efficace que le précédent ?

Un examen de consciences qui tarde

Nombre de chercheurs rappellent que Barkhane a échoué à vaincre les djihadistes en partie parce que le tout-militaire était privilégié et que trop peu de place était accordée aux enjeux politiques, économiques et sociaux, ou encore aux négociations avec les groupes armés. Dans une tribune publiée le 7 juillet dernier dans Le Monde, un collectif d’experts (chercheurs, journalistes, militants) appelle à plus de transparence et de consultation publique sur la politique que mène la France au Sahel, mais aussi à « tirer les leçons des manquements et des revers de son approche, qui aura été principalement structurée autour d’une dimension militaire et sécuritaire, sans prise en considération suffisante des racines politiques et sociales de la crise ».

Officiellement, la France refuse de reconnaître qu’elle a échoué au Sahel. Elle continue de penser que les critiques des populations sahéliennes sont entretenues (voire financées) par ses ennemis – la Russie notamment. Elle refuse ainsi de voir que la présence militaire de soldats français dans la région est de moins en moins acceptée dans ces pays, qu’elle suscite de plus en plus d’interrogations et de critiques. Or avec son nouveau dispositif, elle sera certes moins visible (sur le modèle des Américains qui sont très discrets sur le continent, malgré une présence militaire importante), mais personne n’est dupe : elle continuera de jouer un rôle central. Non seulement elle conserve ses bases historiques au Sénégal, en Côte d’Ivoire et au Tchad (qui toutes jouent un rôle important au Sahel), mais en plus, elle pourrait s’implanter encore un peu plus dans des pays où ses militaires étaient sinon absents, du moins peu nombreux, comme au Bénin ou au Togo.

Ceux qui estiment que cette présence militaire est un des marqueurs de la perpétuation de la Françafrique en sont… Lire la suite sur Mondafrique

Source : Mondafrique

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