Légumes et fruits à la merci des microbes : ces poisons délicieux !

à la une Accueil Actualités Au Mali Flash infos Infos en continus Société

A Bamako, les marchés de légumes et de fruits sont aussi confrontés à des problèmes d’insalubrité. Exposés généralement par terre, ces produits (légumes et fruits) fortement sollicités sont, selon les spécialistes, de véritables poisons pour la santé humaine. Reportage !

Nous sommes le 10 novembre 2023 au marché de Médine communément appelé ‘’Sougouni-Coura’’, véritable carrefour des produits à grande consommation. A partir de 7 heures du matin, déjà c’est le rush dans ce marché populaire. Acheteurs et vendeurs, en majorité des femmes, se bousculent. Ici, c’est plutôt l’état des produits exposés qui attirent notre attention.

Étalés par terre ou dans des paniers dont certains très sales, ces produits, fortement sollicités, sont loin d’être dans les conditions optimales de consommation. Exposés à la poussière et aux mouches, ces produits n’échappent pas non plus aux éclaboussures des eaux usées et de la boue des véhicules de passage.

Mariam Diarra est vendeuse de légumes. Sa marchandise est très contiguë à la poubelle publique.  Interrogée, elle nous fait part de la situation. « On aimerait rendre ces lieux très propres. Mais, c’est quasiment impossible. Il y a trop de monde pour peu d’espace. Souvent plusieurs femmes déchargent les marchandises dans un petit périmètre, ce qui crée du désordre. Parfois, certains produits se décomposent assez rapidement et cela attire des mouches. Personnellement, j’ai plusieurs fois essayé de rassembler les femmes pour assurer l’assainissement du marché. Mais, les gens ne sont pas trop intéressés », explique-t-elle.

Le constat est encore pire au marché de Bozola appelé Wonida. Cet autre eldorado des produits frais est encore plus dangereusement exposé que ‘’Sougouni-Coura’’. Là, les produits sont souvent étalés aux abords de caniveaux puants à ciel ouvert. Mais, les vendeuses semblent être préoccupées par autre chose que l’assainissement de ces aliments. « Nous n’avons ni le temps, ni les moyens de mettre ces produits dans les conditions. Vous ne voyez pas le lieu ? C’est un espace de débrouillards et les gens n’ont pas de temps », nous lance Mme Diarra Néné Koïta, vendeuse de fruits.

« Il n’y a pratiquement pas d’aliment bio »

Mamadou Doumbia est un véritable amateur des légumes et des fruits. Souvent, il se donne la peine de se déplacer personnellement pour aller les acheter au marché. Il nous confie : « Je sais que cela contient beaucoup de danger. On n’a pas besoin d’un médecin pour le savoir. Nous le voyons nous-mêmes. Ces produits, c’est dans tous les marchés du Mali hein, du moins les marchés bamakois en tout cas. Ils sont tous exposés à la poussière. Ce qui constitue un danger pour la santé humaine. Avant d’arriver à la poussière ou aux microbes, demandons-nous comment ces produits sont cultivés. La réponse est qu’ils sont bourrés de produits chimiques. C’est aussi un autre poison qu’on consomme sans le savoir. Aujourd’hui, il n’y a pratiquement pas d’aliment bio, qu’il s’agisse de légume ou de fruit. »

Quant à Mme Diallo Awa Cissé, enseignante, ces produits sont les seuls qui sont à la portée des populations à Bamako. « Si vous voyez quelqu’un s’interroger sur la qualité de ces produits, c’est qu’il a d’autres possibilités. Nous n’avons pas un autre choix. Aujourd’hui, pour ne pas consommer ces produits dans les états dans lesquels ils sont, il faut aller dans les supers-marchés. Même là encore, la plupart des produits qui s’y trouvent, viennent des mêmes marchés traditionnels de Bamako, mais qui ont été juste reconditionnés avant la mise en vente », souligne-t-elle.

Cependant, l’enseignante conseille aux femmes de mieux laver leurs aliments une fois à la maison. « Ce que je peux conseiller aux femmes, c’est de bien laver ces produits une fois à la maison. Je leur demande également de tenir compte des conditions d’hygiène minimales que les vendeurs ou vendeuses accordent à ces aliments sur le marché avant de les acheter », ajoute-t-elle.

Des risques graves…

Pour les spécialistes de nutrition, ces produits, attirant de visu, sont de véritables poisons pour la santé. C’est du moins l’observation de Dr Issouf Traore, médecin de formation, responsable de volet Santé nutrition et Plaidoyer au Centre Sahélien de Prestation d’Étude d’Écodéveloppement et la Démocratie Appliquée (CSPEEDA). Pour lui, les premières conséquences des aliments exposés à la poussière et aux microbes sont des infections graves. « Les aliments peuvent être contaminés par plusieurs types de microbes qui peuvent être des bactéries, des parasites, des virus ou même des champignons. Chacun de ses microbes est aussi responsable de plusieurs types de maladies. Cela peut exposer l’organisme de la personne qui consomme à la malnutrition, parce que certaines catégories de ces microbes vont essayer de vivre au profit de leur hôte », explique-t-il.

Selon le nutritionniste, ces microbes ont tendance à capter une partie importante d’un aliment qu’on appelle nutriment et qui doit passer essentiellement dans le sang pour nourrir l’organisme pour jouer un certain nombre de rôle très important pour la santé du consommateur. « La personne mange certes, mais elle ne tire aucun profit de ces aliments », ajoute-t-il.

Quant à la catégorie de maladies que ces aliments infectés sont susceptibles de causer aux consommateurs, Dr Traoré cite surtout les maladies diarrhéiques, les vomissements, le choléra et le téniasis. « Tout cela provoque de la malnutrition ; des infections parasitaires, bactériennes, mycosiques et virales », précise-t-il.

Ainsi, Dr Issouf Traoré conseille aux consommateurs de faire énormément attention, car selon lui, la majorité des maladies ont pour base la malnutrition. « Il faut qu’on fasse extrêmement attention. Aux acheteurs et surtout aux vendeurs, je demande de prendre soin de leurs produits, d’éviter de les étaler par terre ou dans des zones très exposées aux microbes. Ils doivent également tenir compte de l’hygiène corporelle », conseille le nutritionniste.

Au regard de la gravité de la situation et du risque de santé pour les consommateurs, les autorités locales, particulièrement les collectivités dont les marchés relèvent, doivent trouver un mécanisme permettant de réorganiser ces marchés et de veiller à ce qu’ils soient toujours propres. C’est aussi une manière, pour ces collectivités, de contribuer à l’amélioration des conditions de vie des populations qu’elles représentent auprès du pouvoir public.

Amadou Kodio / Afrikinfos-Mali

Last Updated on 16/11/2023 by Ousmane BALLO