Collectivités et développement à Kayes : Bandiougou dit tout

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La rubrique ‘’La Grande interview du mois’’ de Ziré, votre hebdomadaire préféré d’analyses, d’enquêtes et d’informations générales, reçoit cette semaine M. Bandiougou Diawara, président du Conseil régional de Kayes. Avec lui, nous avons parlé des difficultés de la région ; les potentialités et les défis liés à la décentralisation. C’est un entretien réalisé le 28 décembre 2022 en partenariat avec le site d’informations générales, ‘’www.afrikinfos-mali.com’’. Lisez plutôt !

Ziré : Bonjour monsieur ! Présentez-vous à nos chers lecteurs

Bandiougou Diawara : Je m’appelle Bandiougou Diawara, je suis le président du Conseil régional de Kayes.

Dites-nous M. le président, depuis combien de temps vous dirigez-vous ce Conseil régional ?

Je suis ici depuis 2004 en tant que deuxième vice-président en charge du développement local. A la faveur de l’élection de mes deux supérieurs de l’époque en tant que député à l’Assemblée nationale en 2007, j’ai conduit le reste du mandat jusqu’à terme en tant que premier responsable du Conseil régional. Et ce mandat a été renouvelé en 2009. De cette date à maintenant, je suis président du Conseil régional de Kayes.

Parlez-nous des rôles et missions du Conseil régional de Kayes !

Le Conseil régional de Kayes à l’image de tous les autres Conseils régionaux du Mali est une collectivité territoriale de niveau intermédiaire entre les collectivités de bases que sont  les cercles, les communes et l’État. Donc c’est une collectivité qui est en charge du  développement économique, social, culturel de la région. À ce titre, nous disposons des moyens que l’État a mis à notre disposition parce que nous jouissons de la libre administration de l’autonomie financière pour que la collectivité puisse faire face à ses missions.

Et comme je l’ai dit tantôt, nos missions sont essentiellement des missions de développement. Et particulièrement, je peux même dire que nous nous occupons en plus des compétences générales et spécifiques, du développement structurant. Donc, les domaines où les collectivités de bases telles que les cercles et les communes sont limitées en action, notamment dans la réalisation des infrastructures, nous nous efforçons d’aller dans ce sens pour doter la région d’infrastructures et d’équipements qui peuvent promouvoir son développement économique et par la suite participer à l’épanouissement des populations dans le domaine culturel, sportif, de la jeunesse, des femmes et des couches déshéritées en générale.

Vous l’avez vous-même dit, vous avez une mission de développement local. Dites-nous, quelles sont les grandes actions entreprises par le Conseil sous votre règne ?

Très bonne question (sourire) ! Il sera difficile de pouvoir citer de façon exhaustive toutes les réalisations qu’on a eu à faire depuis 2007, parce que beaucoup de choses ont été faites par le Conseil régional. Mais, je vais quand-même m’efforcer de citer à titre d’exemple certaines actions.

Alors, de 2007 à maintenant, dans le cadre du désenclavement, nous avons deux routes principales qui ont été faites, notamment une route d’inter-collectivité qui lie deux cercles (Kéniéba et Bafoulabe) et une autre route qui donne le relief entre Sadiola et certaines communes jusqu’à Dialafara Gounfan. C’est une route assez longue d’environ 150 kilomètres et qui a beaucoup facilité l’accès dans ces localités concernées, parce qu’il y avait vraiment la nécessité et les populations des deux cercles avaient incessamment exprimé le besoin. Nous avons réalisé cela à coût de centaines de milliards grâce, bien évidemment, à l’appui de l’État à travers le budget spécial d’investissement.

Il y a aussi la route Samé-Diongoma qui est à l’ouest. Il s’agit de l’axe Samé-Diboli. C’est une route d’environ 100 kilomètres que nous avons réalisée pour pouvoir participer aux désenclavements de la région. En plus de ces routes, il y a aussi le pont de Cindy ; le barrage de Toya à Yélimané, le pont de Nioro ainsi de suite, sans compter que nous avons construit sur nos propres fonds deux lycées. Généralement, c’est l’État qui finance ce genre d’infrastructures. Mais, nous avons constaté qu’il y a deux cercles qui n’avaient pas d’établissements secondaires et nous avons pris l’initiative de construire ces lycées-là. Il s’agit du lycée de Diema et de celui de Yélimané.

Avant que les lycées ne soient sous la tutelle des Conseils de Cercle, au moment où ils étaient encore sous la tutelle du Conseil régional, nous avons fait énormément d’extension dans tous les autres lycées de la région, précisément à Kita, Bafoulabé, Kenieba et à Nioro pour faire en sorte que tous les lycées puissent avoir les mêmes équipements.

De même, avant que l’État n’institutionnalise l’enseignement de l’informatique dans les lycées, nous avions créé une salle d’informatique équipée dans tous les lycées et établissements techniques et professionnels et nous avons formé des enseignants sur l’utilisation de ces outils-là.

En plus de cela, nous avons mené des études économiques qui nous ont permis aujourd’hui de pouvoir réaliser par exemple l’un des stationnements de Diema qui a été financé sur des fonds de l’Union Européenne et qui vient d’être fini et nous attendons l’inauguration dans les jours à venir. Nous avons aussi d’autres projets que vous avons réalisé et d’autres en cours dans le domaine de la santé, notamment des kits que nous avons installés dans un premier temps sur trente centres de santé communautaire (CSCOM) dans l’ensemble de la région de Kayes. Cela pour permettre aux CSCOM d’avoir une chaîne de froid pour le meilleur conditionnement des médicaments. Ce projet va continuer avec l’appui de la diaspora, car nous sommes en train d’équiper trente autres CSCOM dont les travaux sont presque finis.

Aussi, nous avons apporté notre appui à l’ensemble des cercles de la région lesquels ont été dotés d’infrastructures importantes selon le besoin de chacun. Par exemple les logements au Conseil de Cercle de Kayes, c’est nous qui les avons construits et mis à la disposition du Conseil. C’est le même cas à Diema et à Kita. Le Motel de Kenieba, c’est nous qui l’avons construit et à Nioro, c’est une salle de spectacle que nous avons construite.

En plus de cela, nous avons accompagné la construction d’un des joyaux les plus importants de Kayes, notamment l’Institut de Formation professionnelle de Kayes (IFP). Certes, c’est un investissement de l’État et ses partenaires, mais c’est à la suite de notre demande et avec notre accompagnement et celui de notre partenaire qui est la Région Île de France. Comme vous le savez très bien, la formation professionnelle est une compétence qui a été transférée aux collectivités. C’est dans ce cadre que nous, avec notre partenaire, s’investissions dans le domaine de la formation professionnelle cela pour pouvoir répondre au besoin de formation de nos populations.

Comme vous le savez, la région de Kayes est une région minière. À ce titre, les jeunes ont besoin de formation adaptée au marché d’emploi de la région, d’où la construction de l’institut.

Avant la création de cet institut, il n’y avait aucune structure qui enseignait la conduite des gros engins ou encore des photovoltaïque, aussi bien que la mécanique et d’autres métiers assez fréquents de la région et qui restent des métiers de grands pourvoyeur d’emplois. Donc, avec l’appui de l’État et de nos partenaires, nous avons réussi à construire cet institut à coût de milliards de francs CFA. Nous nous en réjouissons beaucoup aujourd’hui parce qu’il répond énormément aux besoins de formation des jeunes et cela permet d’alimenter l’économie régionale.

Je voudrais également, en plus de tout ceci, dire qu’il y a aussi des projets porteurs que nous avons accompagnés et qui sont portés, soit par des individus, soit par des associations. Il s’agit des projets des associations de jeunes, femmes ou des associations professionnelles. Il s’agit par exemple des maraîchers, des femmes opératrices économiques, mais aussi d’autres opérateurs à titre individuel ou groupement pour lesquels nous avons réalisé des unités de production. Toutes ces actions entrent dans le cadre de la création d’emplois ou de la richesse tout court. Pas plus tard qu’en fin du mois de décembre 2022, nous avons inauguré une unité de craie. Bref, nous avons accompagné plusieurs autres initiatives de ce genre, notamment des unités de transformation depuis que nous sommes là.

M. le président, on ne peut parler de Kayes sans toucher à l’apport des mines pour la région. Dites-nous, l’impact des mines sur l’économie kayesienne.

Effectivement à Kayes, nous avons de très grosses mines industrielles qui sont installées mais aussi de grands sites d’orpaillages qui occupent une bonne partie de la vie des populations pas que malienne mais même étrangères, notamment dans le cercle de Kenieba et de Kayes. Cependant, la mine de Kayes n’est pas seulement importante pour la région, mais elle est pour l’économie nationale. La mine de Kayes a un impact sur l’économie malienne de façon générale, parce que ça rapporte gros au budget national.

D’abord, la mine crée des emplois pour une grande partie de la population de Kayes. Ce sont donc les femmes et les jeunes qui arrivent à travailler grâce à ces mines, ce qui veut dire que ça réduit le taux de chômage dans la région. Même s’il faut reconnaître que souvent cela rend la vie chère, parce que les gens pensent que là où il y a l’or, il y a de l’argent.

L’autre impact des mines, c’est aussi son apport dans les actions de développement des collectivités. Là où il y a les mines, il y a potentiellement  développement local à travers les collectivités que ça soit les communes, les Conseils de cercle ou les régions, notamment les projets sociaux tels que les centres de santé, les écoles, l’eau, l’électricité, etc.

Ensuite, il y a les patentes qui sont destinées aux collectivités territoriales : les communes, les cercles et le Conseil régional. Mais sur le plan national, il y a plusieurs autres impôts ou taxes qui sont payés que l’Etat perçoit qui ne sont pas perçus par les collectivités territoriales. Souvent, il y a de mauvaises appréciations pensant que toutes ces taxes sont reversées aux collectivités, mais ce n’est pas le cas. La patente par contre est divisée en trois parties : 60% reste dans la commune de production où existe l’unité, 25% pour le cercle et 15% pour le Conseil régional.

M. Bandiougou Diawara, vous l’avez dit, vous avez tout le temps des initiatives dans le cadre du développement local. Parlez-nous des difficultés que vous rencontrez dans vos actions de façon générale.

Merci vraiment, cela est extrêmement important. Les difficultés auxquelles nous sommes généralement confrontés sont liées à la décentralisation. Quand on parle de décentralisation, il faut surtout penser aux charges. Ce sont des compétences que l’État a transférées aux collectivités territoriales que nous exécutons sous le couvert de l’État. Ce sont des actions courantes de développement. C’est aussi la santé, l’hydraulique, l’éducation, le sport, la culture, c’est-à-dire l’ensemble des actions de développement liées aux besoins des populations. Il y a aujourd’hui vingt-et-un domaines de compétences qui sont transférés aux collectivités territoriales. Mais la difficulté vous savez, ce sont aussi l’insuffisance des fonds par rapport aux défis à relever.

Des insuffisances de ressources à la fois humaines et financières parce que ce n’est pas aussi facile. Nous avons très souvent l’impression que l’État nous transfère des domaines qui sont des charges. Parce qu’il faut le dire, il est facile de se débarrasser de ces charges pour les donner aux collectivités territoriales, mais sans les moyens qui vont avec souvent pour la prise en charge. Donc, ce sont là des difficultés majeures que nous connaissons. Nous à notre niveau, la création de l’Institut de Formation professionnelle qui forme des élus, ainsi que des techniciens, nous aide à palier les problèmes de ressources humaines, mais pas les ressources financières. Donc, il y a toujours des difficultés et comme je l’ai dit tantôt, c’est surtout le manque de ressources nécessaires pour répondre aux compétences transférées aux collectivités. L’autre difficulté, c’est aussi l’incivisme des populations face à certaines situations, notamment le payement des impôts et de taxes dans les villes urbaines. Cela aussi est une difficulté auquel la plupart des collectivités sont confrontées pour pouvoir mobiliser les ressources financières qui sont indispensables pour leur développement.

Évidemment, je ne veux pas me limiter qu’aux difficultés que nous nous connaissons, mais celles de la population sont aussi importantes. Aujourd’hui, la région souffre énormément de l’arrêt du train, de l’état de la route, il y a l’insécurité qui guette tout le monde. Ce sont aussi des points sur lesquels je voudrais attirer l’attention des plus hautes autorités du pays.

Si aujourd’hui vous avez un plaidoyer à faire, ce serait quoi ?

C’est de demander aux plus hautes autorités du pays d’accompagner les collectivités. C’est l’État qui a transféré une partie de ses compétences aux collectivités territoriales et s’il est vrai que la décentralisation est irréversible, il va de soi que l’État fasse l’accompagnement nécessaire à travers les transferts des domaines, mais aussi des ressources humaines, financières et matérielles. Donc, s’il y a une compétence qui est transférée, il faut concomitamment transférer les ressources, c’est indispensable et cela doit être indiscutable.

Quand l’État exerçait cette compétence, il l’exerçait avec des moyens. Ces moyens ce sont les hommes, les matériels, les finances, etc. De la même manière, les collectivités ont besoin des mêmes moyens pour atteindre les objectifs qui leur sont assignés.

Notre cri de cœur va surtout dans ce sens. Je ne saurai terminer sans témoigner notre plus grande disponibilité à accompagner la politique de l’État des plus hautes autorités du pays qui ont adopté une politique de rupture qui vise à garantir la souveraineté du Mali. Et je prie Dieu pour qu’il nous donne à tous la force de gagner ce combat.

Aussi, je termine mes propos tout en souhaitant à tous les Maliens de façon générale et aux populations de Kayes, une très bonne année 2023 !

Entretien réalisé par Amadou Kodio

Source : Ziré

Last Updated on 19/01/2023 by Ousmane BALLO

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