Mali : difficile mobilisation des redevances liées au rejet des eaux usées

à la une Accueil Actualités Au Mali Flash infos Infos en continus Société

Au Mali, 22,64% des industries enquêtées payent leurs redevances liées au rejet des eaux usées contre 77,37%. Au même moment, 15,09% d’unités industrielles pensent que le montant de la redevance est moyen contre 5,66% qui le trouvent élevé tant disque 71,69% ignorent encore l’existence de ladite redevance. Ce sont là des données d’une étude relative à la cartographie des assujettis et l’évaluation de la charge polluante des eaux usées industrielles et les excrétas.

 Réalisée durant les mois d’avril et de juillet 2023 par la Coalition Nationale-Campagne Internationale pour Eau, hygiène et assainissement (CN-CIEPA WASH) en partenariat avec l’Agence Nationale de la Gestion des Stations d’Epuration du Mali (ANGESEM), l’ONG BORDA et la Coopération allemande,   cette étude a pour objectif de contribuer à la révision du décret fixant la redevance du service public d’assainissement des eaux usées et excrétas au Mali à travers la mise en œuvre du plan de plaidoyer.

Selon le rapport de l’étude, des enquêtes ont été menées au sein des unités industrielles qui ont également permis d’établir la cartographie des industries, de recueillir l’opinion des structures techniques, des collectivités et des industries sur la révision de la redevance de gestion des eaux usées et excrétas et de déterminer la charge polluante des industries.

Les résultats de ladite étude démontrent que les industries ne disposent pas d’ouvrages de prétraitement adéquats ou si elles en disposent, ce sont simplement des fosses à puisards pour retenir les eaux usées sans traitement. « La plupart des industries et même les structures techniques ne connaissent pas l’Agence Nationale de la Gestion des Stations d’Epuration du Mali (ANGESEM) à fortiori la redevance des eaux usées », peut-on lire dans le rapport.

Ainsi, les enquêteurs estiment que les entreprises assujetties ne s’acquittent pas réellement des montants de la redevance. « Nous remarquons que plus de la moitié des entreprises assujetties ne s’acquittent pas réellement des montants de la redevance des eaux usées et excrétas », soulignent-t-ils dans ledit rapport.

Des impacts négatifs sur la santé

Le document précise que les industries et structures techniques sont toutes conscientes que la mauvaise gestion des eaux usées a des impacts négatifs sur la santé. « La détermination de la charge polluante a permis de classer les industries en trois catégories qui sont les industries à charge polluante élevée qui rejettent des quantités importantes de polluants plus de dix fois la norme ; les industries à charge polluante moyenne qui rejettent des polluants de plus de cinq fois la norme et les industries modérées qui sont relativement moins chargées en polluants. Au lieu de l’ancien tarif de la redevance fixé par le décret N° 2014-0474/P-RM du 23 juin 2014 de 50 à 75 FCFA/m3, les nouveaux tarifs de révision de la redevance proposée en fonction de la charge de pollution sont de 360 FCFA à 600 FCFA/m3 pour les industries à pollutions élevés ; 145 à 300 FCFA /m3 pour les industries moyennement polluantes et de 50 à 80 FCFA/m3 pour les industries à pollutions modérées », ajoute le rapport.

 Selon l’étude, les industries chimiques, para-chimiques, de textiles, métallurgiques et de tanneries, enquêtées, utilisent ou génèrent des produits chimiques comme la soude, chaux, sulfures, chrome, fer, manganèse, sodium, potassium, plomb, zinc, cyanure, mercure, … dont les procédés de traitement couramment utilisés ne permettent pas une diminution significative des résidus dans les rejets d’eaux usées. « Les résidus de la transformation des métaux (fer, zinc aluminium…) se retrouvent parfois dans les eaux usées et peuvent par accumulation causer des impacts sur la santé. Les teintureries à Bamako et dans les autres régions déversent les eaux usées dans la nature sans traitement. Beaucoup d’entre elles rincent leurs tissus teints dans le lit même du fleuve. La transformation de la peau génère un rejet d’eau polluée chargée par des déchets solides, des matières organiques de la peau résultant des opérations mécaniques, du sel utilisé pour la conservation des peaux ainsi que l’excédent des produits chimiques (chrome, sulfures, de chaux, soudes…). Les eaux usées des industries textiles contiennent des colorants difficilement biodégradables (colorants à complexe métallique, colorants dispersés, colorants dits de cuve, colorants directs, colorants indirects, colorants réactifs, colorants naphtols). Les valeurs de la charge estimée sur ces industries sont de l’ordre de plus de dix fois supérieures à la norme », peut-on lire dans le rapport de l’étude.

Le même document précise que ces eaux usées sont caractérisées par leur valeur très élevée en matière en suspension, en Demande Chimique en Oxygène (DCO) et Demande Biologique en oxygène (DBO5) dépassant les valeurs recommandées par les normes maliennes qui sont de 150 mg/l et 50 mg/l au maximum. « En fonction de la charge émise ces types d’industries doivent payer de la redevance plus élevée à la hauteur de préjudice commis de l’ordre de 360 à 600 F /m3 d’eau usées rejetées », ajoute le rapport.

Du cyanure, l’acide chlorhydrique…

S’agissant des produits chimiques utilisés dans l’exploitation minière, l’étude révèle que la mine de Komana utilise des produits chimiques dangereux dans l’exploitation surtout le cyanure, l’acide chlorhydrique, la Métabisulfite de Sodium (SMBS), la chaux, le cuivre, le carbone… « Selon le responsable de l’environnement de la mine, il ne rencontre aucun problème dans la gestion des eaux usées industrielle de la mine. Le traitement des eaux usées est effectué́ à deux niveaux. Au sein de l’unité́ d’exploitation, elle dispose d’un dispositif de traitement primaire qui, selon eux, neutralise le cyanure jusqu’à moins de 1mg/l répondant aux normes de rejet malienne. Les eaux prétraitées sont ensuite orientées vers le centre secondaire de traitement des eaux usées appelé́ Taillings Storage Facility technical and operations standar (TSF) ou bassin à boues. A ce niveau par un système de décantation, les boues sont séparées de l’eau par le lagunage naturel ; l’exposition au soleil et à l’évaporation contribuent au traitement des eaux usées. Les eaux une fois traitées sont réutilisées dans le système de production », souligne le document.

Des dispositions pour remédier aux insuffisances

Pour pallier ces insuffisances, la Coalition Nationale-Campagne Internationale pour Eau, hygiène et assainissement (CN-CIEPA WASH) et ses partenaires ont élaborés un plan opérationnel de mise en œuvre des recommandations de l’étude. Il s’agit, entre autres, de l’organisation de rencontres de plaidoyer avec les responsables des assujetties sur l’importance des unités de prétraitement des eaux usées ; de l’oorganisation d’une émission radio ou télé sur l’enjeu des unités de prétraitement au sein des unités industrielles ; des rencontres techniques périodiques entre ANGESEM et les autres structures spécialisées dans la gestion des eaux usées et excrétas ; des visites d’échanges dans les pays voisins afin d’inspirer davantage les acteurs maliens en matière de gestion des eaux usées et excréta ; de la production d’un recueil unifié de tous les textes législatifs et règlementaires sur la gestion des eaux usées et excrétas; de la création d’un cadre d’échanges périodiques entre les industriels, l’Etat, les Organisation de la Société Civile (OSC) et les partenaires en vue de négocier de façon consensuelle les termes de l’avant-projet de décret portant nouvelle tarification des eaux uses et excrétas au Mali…

La mise en œuvre effective de l’ensemble de ces mesures doit certainement permettre au Mali d’assurer une meilleure protection de l’environnement, gage d’un cadre de vie propice pour les populations.

Ousmane BALLO / Afrikinfos-Mali

Last Updated on 30/12/2023 by Ousmane BALLO