En Guinée, les bureaux de vote pour la présidentielle ont fermé ce dimanche 18 octobre à 18h heure locale. Le président sortant Alpha Condé, 82 ans, brigue un troisième mandat après l’adoption controversée d’une nouvelle Constitution. Au total, près de 5,5 millions d’électeurs étaient appelés aux urnes pour choisir parmi les douze candidats en lice.
Après des mois de contestations meurtrières contre un éventuel 3e mandat du président Alpha Condé, les Guinéens ont voté pour choisir leur prochain dirigeant. Le vote s’est déroulé dans le calme, mais aussi dans l’inquiétude d’éventuelles violences à venir lors de l’annonce des résultats de ce scrutin qui sera du ressort de la Commission électorale. Avant même le début de la comptabilisation des résultats, l’opposition a commencé à dénoncer des bourrages d’urnes et des obstructions faites à la présence de ses représentants dans les bureaux de vote, notamment en Haute Guinée, fief traditionnel du parti au pouvoir et dans le sud forestier.
Le Premier ministre a fait état devant la presse de petits incidents ici et là, rien de majeur, a-t-il dit.
La pandémie de Covid-19 paraissait loin des préoccupations des électeurs qui largement oublié leurs masques dans les files à l’entrée des bureaux de vote.
À la lampe torche
Dans un bureau de vote de Coléah, dans la proche banlieue de la Conakry, le dépouillement a commencé après la fin officielle du scrutin, à 18h heure locale, constate notre correspondant dans la capitale guinéenne, Carol Valade. Les scellés de l’urne ont été rompus. Les bulletins vont désormais être sortis un à un, un trait écrit à la craie sur le grand tableau noir en face du nom du parti qui correspond. Ensuite, l’urne sera envoyée pour centralisation.
À partir de la réception du tout dernier procès-verbal du pays, la Céni, la Commission électorale, disposera de 72 heures pour proclamer les résultats provisoires.
Les lampes-torches ont été sorties car le dépouillement devrait se poursuivre tard dans la soirée. On ne signale en tout cas pas d’incident majeur à Conakry. Le ministre de la Sécurité, Albert Damantang Camara, l’a confirmé en milieu d’après-midi.
Dans l’intérieur du pays, le pouvoir et l’opposition s’accusent mutuellement de violences et d’intimidations à l’encontre de leurs délégués dans les fiefs de ses adversaires. Le président Alpha Condé et son principal adversaire, Celou Dalein Diallo, ont appelé au calme après avoir voté. Dans la plupart des quartiers, les rues étaient envahies en fin d’après-midi par les matches de football, un peu comme tous les dimanches. La seule crainte désormais est que l’opposition proclame ses propres résultats malgré l’interdiction gouvernementale.
Les candidats appellent au calme
À Kankan, fief du chef de l’État guinéen, Alpha Condé, le dépouillement a également démarré environ un quart d’heure après la fermeture officielle des bureaux de vote, dans l’école primaire du quartier Bordo, rapporte notre envoyée spéciale sur place, Bineta Diagne.
Le président du bureau de vote a ouvert l’urne, qui était scellée, sous le regard attentif des membres de son bureau. Autour de lui se trouvaient six représentants de partis politiques, tous munis d’une feuille et prêts à noter en détail le décompte des voix de ce bureau. Le processus est très lent. Les membres du bureau de voterecomptent les enveloppes pour être sûrs d’avoir le bon nombre de votants, le tout à la lumière de lampes-torches.
Pour le reste, à Kankan, aucun incident majeur n’a été signalé par les observateurs. Près de 600 membres de la société civile ont été répartis dans la Haute-Guinée. À cela s’ajoutent 12 observateurs de la Cédéao, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest. Ils sont tous unanimes sur un point : les électeurs ont voté dans le calme.
Une fois le dépouillement achevé, les regards seront ensuite rivés vers la Commission électorale communale, chargée de centraliser les procès-verbaux issus de tous les bureaux de vote de la commune de Kankan.
Seule ombre au tableau : le PADES [Parti des démocrates pour l’espoir], le parti du candidat Ousmane Kaba, a dénoncé ce matin quelques anomalies. Il y aurait notamment eux des bureaux de vote fictifs dans un quartier de Kankan. Ces informations ont été démenties par Mohamed Lamine Traoré, le président de la CECI (Commission électorale communale indépendante) de Kankan. Ce dernier appelle à la sérénité en moment crucial du processus électoral.
Incidents isolés
Si le vote s’est bien déroulé jusqu’en début d’après-midi, les choses se sont parfois compliquées par endroits, rapporte notre correspondant, Mokhtar Bah. C’est notamment le cas à Yomou, dans l’extrême sud du pays où des représentants de l’opposition dans des bureaux de vote ont été expulsés et un responsable local de l’alliance qui soutient l’opposant Celou Dalein Diallo a été arrêté et jeté en prison. Selon nos informations, ce responsable de l’opposition se serait opposé au bourrage d’urnes orchestré par des inconnus.
À Kissidougou, l’une des plus grosses agglomérations de la région forestière, le même constat a été enregistré : expulsion de délégués de partis politiques et vote de mineurs dans les localités de Massadou et Bendou. À Siguiri, dans le nord-est, un responsable du principal parti d’opposition, l’UFDG [Union des forces démocratiques de Guinée], a été arrêté sans qu’on en connaisse le motif. Un de ses camarades a été passé à tabac par un des partisans du parti au pouvoir, le RPG [Rassemblement du peuple de Guinée].
Pour sa part, le QG de campagne du RPG s’est félicité du déroulement du scrutin sur toute l’étendue du territoire national mais dénonce des irrégularités dans le nord du pays favorable à l’opposition. En Basse-Guinée, aucun problème n’a été signalé jusqu’à la clôture du vote.
Alpha Diallo, le président de l’association des blogueurs de Guinée, a mobilisé 200 observateurs dans tout le pays.
« Un premier bilan globalement positif, si l’on se fie aux éléments que nous avons. […] La phase la plus critique de toute façon, c’est la seconde phase, malheureusement sur laquelle et les observateurs nationaux et internationaux ont peu de moyens, au niveau du dépouillement et de la centralisation des voix. Dans certains endroits, on a des observateurs nationaux surtout qui sont expulsés des salles de dépouillement.. »
Procès-verbal manquant
À Labé, en Moyenne-Guinée, le dépouillement a également commencé à l’école primaire du quartier Tata-1, rapporte notre envoyée spéciale sur place, Charlotte Idrac. Les habitants se sont rassemblés dans la cour dans la lumière déclinante du soir pour attendre l’affichage des procès-verbaux.Le président de la Commission électorale de la préfecture parle d’un bon climat pour cette journée de vote. Même chose du côté de l’Organisation guinéenne des droits de l’homme (OGDH) qui saluent « l’engouement et la sérénité des électeurs ». Dans les bureaux de vote, ce 18 octobre, les électeurs étaient effectivement au rendez-vous. Ils étaient très nombreux, ce matin, à l’ouverture des bureaux de vote, vers 7h, et l’affluence a diminué ensuite au fur et à mesure de la journée.
Le vote s’est donc déroulé dans le calme. Un problème est cependant à noter dans le quartier de Daka-1 : dans un bureau de vote, le président s’est rendu compte ce matin que l’enveloppe promise par la Commission électorale ne contenait pas de procès-verbal, seul document autorisé pour comptabiliser les résultats.
La question se pose de ce qu’il va se passer pour ces votes sachant que ce bureau compte 556 électeurs inscrits. De son côté, le président de la Commission électorale explique qu’il n’y a qu’un seul procès-verbal par bureau de vote, pas un peu de plus. On ne peut donc le remplacer. Des discussions sont en cours pour tenter de trouver une solution.
De son côté, le RPG [Rassemblement du peuple de Guinée] arc-en-ciel du président sortant Alpha Condé affirme que certains de ses délégués ont été empêchés d’accéder à des bureaux de vote de Labé. Les responsables de bureaux de vote ont expliqué que seul un représentant par parti était accepté dans chaque bureau. Ils ont donc demandé aux autres délégués de partir.
« C’est vrai que par endroit, certains délégués de partis politiques ou des candidats ont été empêchés d’accéder aux bureaux de vote, mais nous avons été informés que dans certains bureaux de vote, des candidats étaient représentés par deux délégués, et conformément à la loi, chaque candidat ne doit avoir qu’un délégué dans le bureau de vote […] »
Source: RFI
Last Updated on 19/10/2020 by Ousmane BALLO