Situation sécuritaire au Mali : Choguel tient tête à l’ONU

« La nouvelle situation née de la fin de l’Opération Barkhane, plaçant le Mali devant le fait accompli et l’exposant à une espèce d’abandon en plein vol, nous conduit à explorer les voies et moyens pour mieux assurer la sécurité de manière autonome ou avec d’autres partenaires, de manière à combler le vide que ne manquera pas de créer la fermeture de certaines emprises de Barkhane dans le Nord de notre pays. Cette situation doit également inciter les Nations Unies à avoir désormais une posture plus offensive sur le terrain. » Ces propos sont du Premier ministre, Dr Choguel Kokalla Maïga, prononcés le 25 septembre 2021 à l’occasion du débat général de la 76ème session ordinaire de l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies (ONU).

C’est un Choguel Kokalla Maïga, vêtu en tenue traditionnelle, qui s’est dressé devant le pupitre de l’Organisation des Nations Unies (ONU). Comme un lieutenant en mission commandée, le Premier ministre n’a pas tardé à exprimer la position de la majeure partie du peuple malien aux différents chefs d’Etat membres de l’organisation internationale. «Je rappelle que notre organisation commune, l’ONU, a été bien avisée en avril 2013, lorsqu’elle a décidé de déployer, fort opportunément, la Mission Multidimensionnelle Intégrée des Nations Unies pour la Stabilisation au Mali (MINUSMA). La résolution 2100 du 25 avril 2013 établissant la MINUSMA avait considéré, je cite, que « la situation au Mali constitue une menace pour la paix et la sécurité internationales » et a décidé, en conséquence, d’agir en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies. Dans son paragraphe 16, la résolution 2100 a fixé comme mandat initial à la MINUSMA, entre autres, « appuyer les autorités de transition maliennes, pour stabiliser la situation dans les principales agglomérations, en particulier dans le nord du pays, et, dans ce contexte, écarter les menaces et prendre activement des dispositions afin d’empêcher le retour d’éléments armés dans ces zones », a-t-il rappelé.

Choguel Kokalla Maïga a également souligné que la résolution 2164 du 25 juin 2014 qui a renouvelé pour la première fois le mandat de la MINUSMA pour un an, a souligné que « …le terrorisme ne peut être vaincu qu’à la faveur d’une démarche suivie et globale, fondée sur la participation et la collaboration actives de l’ensemble des États et organismes régionaux et internationaux, visant à contrer, affaiblir et isoler la menace terroriste… ».

En conséquence, a-t-il avancé, le paragraphe 12 de ladite résolution autorisait « la MINUSMA à utiliser tous les moyens nécessaires pour accomplir son mandat, dans les limites de ses capacités et dans ses zones de déploiement ». « Elle lui enjoignait, en particulier, au titre du paragraphe 13 ‘’d’étendre sa présence, notamment grâce à des patrouilles de longue portée, dans la limite de ses capacités, dans le nord du pays, au-delà des principales agglomérations, et en particulier dans les zones où les civils sont en danger’’ », a-t-il ajouté.

Les populations maliennes exaspérées

Selon le Premier ministre, huit ans après le déploiement de la MINUSMA, les extraits ci-dessus des résolutions de 2100 (2013) et 2164 (2014) sont d’une évidente et d’une brûlante actualité. « Les populations maliennes sont exaspérées aujourd’hui devant les tueries de masse, les villages rasés de la carte et d’innocents civils fauchés, dont des femmes et des nourrissons souvent brûlés vifs. Les Maliennes et les Maliens ont le net sentiment que la mission assignée à la MINUSMA a changé en cours de route, et notamment depuis 2015, suite à la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger, alors même que les défis qui ont justifié son déploiement sont restés constants », a-t-il déclaré.

Après avoir rappelé que contrairement aux attentes du peuple malien, l’environnement notoirement terroriste dans lequel la MINUSMA a été déployée en 2013 s’est dégradé continuellement, Choguel a estimé qu’au fil du temps, il s’est même métastasé, car les groupes armés terroristes qui ont envahi près des deux tiers de notre territoire national en 2012 ont été dispersés sans jamais être anéantis.

« C’est dans ce contexte de menace préoccupante que l’armée française, à travers l’Opération SERVAL d’abord et, ensuite, l’Opération Barkhane, a été autorisée à mener, en soutien à la MINUSMA et à nos Etats, le volet lutte contre le terrorisme au Mali. C’est également dans ce contexte que l’Opération française Barkhane amorce subitement son retrait en vue, dit-on, d’une transformation en Coalition internationale dont tous les contours ne sont pas encore connus, en tout cas pas connus de mon pays», a-t-il continué.

Au Premier ministre de préciser : « L’annonce unilatérale du retrait de Barkhane et sa transformation n’ont pas tenu compte du lien tripartite qui nous lie, c’est-à-dire l’ONU et le Mali en tant que partenaires engagés avec la France sur le front de la lutte contre les facteurs de déstabilisation. Le Mali regrette que le principe de consultation et de concertation qui doit être la règle entre partenaires privilégiés n’ait pas été observé en amont de la décision du gouvernement français. Aussi, la nouvelle situation née de la fin de l’Opération Barkhane, plaçant le Mali devant le fait accompli et l’exposant à une espèce d’abandon en plein vol, nous conduit à explorer les voies et moyens pour mieux assurer la sécurité de manière autonome ou avec d’autre partenaires, de manière à combler le vide que ne manquera pas de créer la fermeture de certaines emprises de Barkhane dans le Nord de notre pays. Cette situation doit également inciter les Nations Unies à avoir désormais une posture plus offensive sur le terrain. »

Un mandat plus robuste et un changement de posture de la MINUSMA

Choguel a également souligné qu’il n’existe pas de sentiment anti-MINUSMA au Mali, pas plus qu’il n’existe de sentiment anti-français dans notre pays. « Non ! Je le dis sans ambages. Notre peuple n’a jamais été et ne sera jamais un peuple ingrat. Au sommet de l’Etat et au sein des populations maliennes, il existe un désir de paix et une soif de sécurité qui font écho à l’exigence d’efficacité des instruments et des mécanismes politiques et militaires mis en place et qui font paradoxalement du Mali un pays sur-militarisé mais très vulnérable face au terrorisme, devenu un facteur de désintégration de nos sociétés et de déstabilisation des fondements de l’Etat. Que devrions-nous faire face à un tel paradoxe ? Que faut-il faire pour répondre à l’angoisse, à l’exaspération et à la colère des populations maliennes ? Que faut-il faire pour répondre au sentiment d’insatisfaction à la fois des Maliens et des partenaires du Mali ? », s’est-il interrogé.

Comme pour se répondre lui-même, le Premier ministre souligne : « Je pense, humblement que, face à ces interrogations, nous devons avoir le courage et la lucidité d’interroger les instruments et les mécanismes évoqués plus haut. Nous devrions aussi et surtout remettre sur la table la demande d’un mandat plus robuste et d’un changement de posture de la MINUSMA, régulièrement faite par notre gouvernement au Conseil de sécurité de l’ONU. Ceci permettra d’adapter le mandat de la MINUSMA, de lui donner les moyens de s’acquitter convenablement de son mandat et de répondre à l’aspiration du peuple malien, aspiration sans laquelle ni la Mission de l’ONU ni les autres partenariats militaires internationaux et régionaux présents sur notre sol n’auront de crédibilité aux yeux de mes concitoyens. En termes clairs, les Nations Unies doivent aider le Mali à lutter plus efficacement contre la criminalité transnationale organisée afin d’asseoir les conditions véritables de sa stabilisation, gage de la réussite des actions de soutien politique, humanitaire, de développement et de protection des droits de l’homme. »

Selon Choguel Kokalla Maïga, dans la guerre sans merci qu’il mène contre le terrorisme, le gouvernement du Mali ne ménagera aucun effort pour remplir ses obligations internationales en termes de respect des droits de l’Homme. Il accorde la plus haute importance à la coordination des actions de nos partenaires sur le terrain, à la coopération régionale pour tenir compte de la dimension régionale de la crise sécuritaire au Sahel. « C’est tout le sens de notre engagement dans la Force conjointe du G5 Sahel. C’est aussi tout le sens de notre demande commune au sein du G5 Sahel en faveur d’un mandat robuste et adapté, sous le Chapitre VII de la Charte des Nations Unies et d’un financement prévisible et pérenne de la Force conjointe du G5 Sahel. Dans un souci de cohérence et d’efficacité, le gouvernement du Mali s’attèle à la mise en place, sous mon autorité, d’une structure de suivi et de coordination des activités de la MINUSMA, ainsi qu’à l’élaboration d’une Stratégie de gestion intégrée de la crise au centre du Mali», a-t-il souligné.

Ousmane BALLO

Source : Ziré