De la rue à la Primature: Choguel, assumez-vous, pas de faux-fuyant

Ejecté du gouvernement du président Ibrahim Boubacar Keita le 7 juillet 2016, l’actuel Premier ministre, Choguel Kokalla Maïga, s’était inscrit dans une posture d’opposant, coriace, ferme et intraitable sur la gestion rigoureuse des affaires publiques. Se faisant passer pour un vrai patriote, il arrive jusqu’à accuser le régime déchu de vouloir diviser le pays à travers l’application de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation issu du processus d’Alger. Aujourd’hui chef de l’exécutif, Choguel est appelé à prouver au peuple malien qu’il était sincère et qu’il l’est encore et que tout son combat ne consistait qu’à sauver le pays.

Choguel Kokalla Maïga n’a pas intérêt à user de faux-fuyants, au risque de subir la loi implacable de ‘’l’arroseur arrosé’’. De 2017 à nos jours, il sera passé par plusieurs chemins pour dénoncer le régime d’Ibrahim Boubacar Keita. Il a même catégoriquement rejeté l’Accord pour la Paix et la Réconciliation issu du processus d’Alger dans sa forme actuelle dont l’application, selon lui, entraîne la partition pure et simple du pays. Le faisant, il annonce des propositions sorties souvent de l’extraordinaire juste pour mobiliser le peuple derrière lui.

Selon lui, c’est cet accord qui est à la base de l’instabilité au Mali. C’est ce qui lui fait dire en juillet 2019, lors de la cérémonie marquant l’anniversaire de la publication de son livre intitulé ‘’Les Rébellions au nord du Mali : des origines à nos jours’’, que l’application intégrale dudit accord n’engage pas le peuple malien.  « Ce qui est bon, c’est de relire cet accord, de le reprendre, voir ses insuffisances et les corriger en fonction de ce que nous avons vu pendant les 4 ans  au lieu de nous pencher sur sa mise en œuvre qui ne donne rien… Il est nécessaire de relire cet accord et de l’adapter aux intérêts supérieurs de notre peuple », a-t-il déclaré. Pire, Choguel Kokalla Maïga affirme : « Si on ne fait pas attention, la partition de notre pays qui est très avancée va être confirmée d’ici 2023.» Fort heureusement, lui Choguel, il est dans les affaires aujourd’hui et en sa qualité de Premier ministre, il pourra bel et bien empêcher cette partition en procédant le plus rapidement possible à la relecture dudit accord.

Ce qui est sûr, si c’est l’application de cet accord pour la Paix qui permettra la partition du pays, on n’est pas encore tiré d’affaire. Parce que de sa désignation par le M5-RFP pour devenir Premier ministre à aujourd’hui beaucoup de choses ont déjà changé. L’on se rappelle qu’il y a eu une rencontre entre lui et une délégation de la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) avant sa nomination à la Primature. Au sortir des échanges, ses interlocuteurs, qui se sont toujours opposés à cette relecture, ont exprimé leur satisfaction. Idem avec le président de la transition, Col. Assimi Goïta. C’est suite à ces différentes rencontres que la CMA a donné son accord de participer au gouvernement et au processus de la transition.

La surprise est arrivée le 13 juin 2021 lors du premier Conseil de cabinet à la primature. Dans son discours d’ouverture, le chef de l’exécutif trouve qu’il faut plutôt une relecture intelligente de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger (APR). «La révision consensuelle et inclusive de la Constitution, dans le respect de son article 118 et la relecture intelligente de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger (APR) dans le respect des principes fondamentaux énoncés seront poursuivies et approfondies. L’APR constitue l’une de nos grandes priorités », a-t-il précisé.

L’on peut ou doit se poser les questions suivantes : pourquoi ce changement brusque de langage ? Qu’est-ce que Choguel et la délégation de la CMA se sont réellement dit ? Y a-t-il des réalités qu’il ignorait  avant son arrivée à la Primature ? En tout cas, il doit dire la vérité au peuple. Il doit surtout expliquer largement ce que signifie réellement ici ‘’relecture intelligente’’. D’autant plus qu’il a toujours accusé le régime précédent de ne pas avoir le courage de dire la vérité au peuple sur la situation du pays.

Ousmane BALLO

Source : Ziré