Délivrance des permis, respect du code minier, la part de l’Etat : le DNGM parle de l’or malien

‘’La Grande interview du mois’’, votre rubrique mensuelle de l’hebdomadaire d’analyses, d’enquêtes et d’informations générales ‘’Ziré’’,  reçoit ce janvier 2021, Cheick Fanta Mady Kéita, directeur national de la Géologie et des Mines. Dans ce face-à-face, nous abordons plusieurs questions avec notre invité. Il s’agit, entre autres, de la délivrance des permis d’exploitation minière, du respect du code minier par les sociétés, de la part de l’Etat malien après l’extraction de l’or et de son utilisation au profit des populations…

Lisez plutôt l’interview !

Ziré : Bonjour monsieur le directeur. Présentez-vous à nos fidèles lecteurs.

Cheick Fanta Mady Keita :Je m’appelle Cheick Fanta Mady Kéita, directeur national de la Géologie et des Mines. Je suis à la tête de cette structure depuis 2019, soit exactement deux ans et un mois.

Tout d’abord, parlez-nous des rôles et missions de la Direction Nationale de la Géologie et des Mines ?

La Direction Nationale de la Géologie et des Mines (DNGM) est une structure étatique. Elle est aujourd’hui la seule direction au niveau du ministère des Mines, de l’Energie et de l’Eau qui intervient dans le secteur minier. La direction a pour mission d’assurer la mise en œuvre de la politique nationale minière au Mali et en même temps de faire la promotion du sous-sol malien à travers le monde. Il s’agit également de coordonner les activités minières, que ce soit au niveau régional ou au niveau local. Toutefois, la DNGM a pour rôle de diligenter les dossiers administratifs relatifs aux activités minières.

Quels sont les acquis depuis que vous êtes tête de la DNGM ?

Là, je ne vais pas du tout me jeter des fleurs (grand sourire), parce que comme vous le savez, le service est une continuité. Mais, il faut reconnaître qu’il y a eu beaucoup d’acquis depuis notre arrivée à la tête de la DNGM. Je rappelle encore que j’ai pris service le 1er janvier 2019. Donc, je peux dire que c’est sous ma directive qu’il y a eu le nouveau code minier qui est déjà en vigueur. Il y a eu également son décret d’application, la convention type qui est l’ordonnance de 2019 toujours en vigueur actuellement. Il y a eu beaucoup d’autres initiatives comme la mise en place des commissions  »Contrôles et dragages ». J’en profite pour rappeler quetoutes les activités minières par dragage sont bannies sur le sol malien dans le nouveau code minier. Bref, il y a eu déjà des initiatives prometteuses durant ces deux ans. Je peux garantir que d’autres initiatives sont en cours pour une meilleure gestion du secteur minier au Mali.

Quelles sont les grandes lignes de ce nouveau code ?

Les grandes lignes, là il y en a beaucoup. C’est un grand document qui englobe tous les détails. Il y a même le code de 2012 qui avait beaucoup d’insuffisances. C’est d’ailleurs ce qui nous a amené, à travers le ministère, à aller pour un autre code, en corrigeant les insuffisances qui s’y trouvaient. Dans ce nouveau code, il y a beaucoup de nouveautés notamment des innovations permettant d’attirer des investisseurs dans le futur.

Qu’en est-il du respect de ce code par les sociétés d’exploitation minière ?

Eh bien, toute société qui veut venir investir dans le secteur minier au Mali est obligée de respecter ce code. Parce que dans les mêmes dispositions, il y a un certain nombre de pénalités. Donc, c’est clair que celui qui ne respecte pas le code sera soumis à la pénalité qui peut aller jusqu’au retrait du permis.

Quelles sont les sanctions prévues, si jamais une société venait à enfreindre à la règle de ce code ?                     

Il y a effectivement des sociétés qui peuvent avoir des manquements. Par exemple, dans le code de 2019, il y a le rapport trimestriel auquel la société est soumise. Une société qui dépasse ce délai sans déposer son rapport est pénalisée et ce sont des pénalités financières qui peuvent aller d’un million à cinq millions selon la période de retard accumulée. C’est-à-dire si c’est le rapport trimestriel qu’elle rate c’est un million de francs CFA et le rapport annuel, c’est cinq millions. Dans tous les cas, une société est obligée de venir déposer son rapport sinon la sanction suprême est l’annulation pure et simple de son permis.

Est-ce qu’il y a un moyen de vérifier la conformité du continu des rapports avec ce qui se passe sur le terrain ?

Oui, bien-sûr ! Parce que chaque trimestre, la division géologique fait des sorties sur le terrain et sur chaque permis pour aller voir ce qui s’y passe. Aussi, la mission produit des rapports trimestriels après toutes les sorties.

Jusqu’où une société peut perdre son permis ?

En 2012, le permis était délivré pour sept (07) ans et avec deux renouvellements. Avec le code de 2019, c’est désormais neuf (09) ans, mais à chaque trois ans la société est obligée de faire un renouvellement. Au moment de ce renouvellement, nous regardons d’abord si elle a accompli toutes les dispositions que le code prévoit. Le non respect des conditions d’attribution peut être un motif de l’annulation du permis.

Parlant du secteur minier, dites-nous monsieur le directeur, quelles sont les conditions de délivrance des permis d’exploitation ?

Au niveau de la Direction Nationale de la Géologie et des Mines, nous délivrons quatre (04) types de permis.Il y a l’autorisation qu’on appelle autorisation d’exploration qui est donnée par le directeur national. Cette autorisation est valable pour trois (03) mois notamment pour les subsistances minières et six (06) pour les subsistances de carrière. Ça veut dire que le permis est renouvelable à trois (03) mois pour les subsistances de carrière. Mais pour les subsistances minières, c’est trois (03) mois pour l’autorisation d’exploration. Cela pour permettre à la société d’aller voir sur le terrain s’il y a réellement des réserves.

Ensuite, il y a le permis de recherche qu’on délivre, ainsi que l’autorisation d’exploitation semi-mécanisée. Il y a aussi le permis d’exploitation de petite mine et celui d’exploitation de grande mine. Donc, si une société en amont veut demander un permis, la première des choses c’est de nous apporter les pièces à fournir et on a un cadastre où toutes les demandes sont enregistrées. Une fois que la société dépose ses dossiers, nous avons une division qui s’appelle la division  »Étude et législation » qui examine si toutes les pièces sont en règle. C’est après cela que nous procédons à la validation de la demande.

Cependant, la première des choses c’est de voir d’abord si la zone sollicitée par la société est totalement libre et prête à être exploitée sans conséquence. Si la zone est exploitable, à ce moment on poursuit le processus de délivrance du permis. Mais une fois que la zone n’est pas totalement libre, le processus s’arrête immédiatement. C’est une commission qui est mise en place pour suivre tous ces processus. Donc, c’est toute une procédure quant à la délivrance d’un permis d’exploitation.

Monsieur le directeur, combien de sites miniers compte actuellement le Mali ?

C’est vraiment beaucoup. Quand on parle de sites miniers aujourd’hui, nous avons dans notre répertoire à peu près cinq cent (500) permis de recherche. Ensuite, il y a les permis d’exploitation au niveau de Kayes, Sikasso et Koulikoro. Il y a également des permis d’exploitation pour le fer et pour l’or dans ces différentes zones.

Dites-nous, quels rapports existe-t-il entre la DNGM et les sociétés minières ?

C’est un rapport collégial. On est obligé de travailler ensemble. Nous avons pour but de faire la promotion du secteur minier. Maintenant, quand les sociétés viennent pour investir dans le secteur, nous sommes obligés de les accompagner et cela doit se faire dans la plus grande collaboration et dans le plus grand respect.C’est une collaboration objective dans laquelle nous travaillons ensemble, la main dans la main pour le rayonnement du secteur minier au Mali et cela conformément au respect des lois et textes en vigueur.

Le rapport 2019 du vérificateur général relève plus de 280 milliards de francs CFA d’irrégularités financières dans le secteur minier. En tant que directeur national de la Géologie et des Mines, quel commentaire faites-vous sur ce sujet ?

Bon, c’est une question financière et je pense qu’il y a des structures mieux placées pour répondre à cela. Néanmoins, je vais vous dire seulement que nous, nous sommes une direction technique. Nous sommes là pour diligenter les dossiers et pour faire les pénalités. Maintenant, le payement de ces dividendes, je veux parler des dividendes que les sociétés payent au niveau du trésor public, ne nous concerne pas. Ce sont des sommes bien reparties au niveau de la communauté. Donc, les questions financières dans ce secteur sont à voir à beaucoup de niveaux et sur ce point, nous sommes une direction technique qui n’a pas forcément cette compétence.

Au regard de ces irrégularités, pensez-vous que l’or malien brille pour les Maliens ?

Non, pas du tout. Voilà pourquoi des stratégies sont élaborées par la direction pour combattre ces irrégularités sous toutes leurs formes. Notre souci et tous nos combats consistent à faire en sorte qu’il n’y ait pas d’irrégularités financières. Dans le cas contraire, que les sanctions tombent. Comme l’a dit son excellence, le président de la transition, M. Bah N’Daw, pour que l’or brille pour les Maliens, il faut être strict sur tous les détails.

Aujourd’hui, il y a beaucoup de bruits autour de la part du Mali, c’est-à-dire le pourcentage de l’Etat auprès des sociétés minières. Qu’est-ce qu’il se passe au juste ?

Merci pour cette question si capitale. Vous savez, j’ai toujours dit qu’il faut suffisamment communiquer sur cette question de pourcentage.Je vais prendre un exemple : par rapport aux recettes, nous sommes les premiers. Imaginez avec le guichet unique, tout ce que le secteur minier engendre comme bénéfices est versé dans le guichet unique. Et cela est valable pour les autres secteurs. Tous les bénéfices sont directement reversés dans ce guichet, c’est-à-dire sont mis dans un même panier. Par exemple, le secteur minier peut apporter sept cent milliards de francs CFA, celui de l’environnement ou de la santé peut apporter 25 milliards, mais quand il y a un projet de l’environnement qui coûte 150 milliards, ce financement est directement pris dans ce panier. Donc, si on n’explique pas tout ça, la chose restera incomprise.

Qu’en est-il exactement la situation de pourcentage, monsieur le directeur ?

A ce niveau, on fait de faux calculs. Pour savoir que l’or brille pour les maliens, il ne faut pas se focaliser seulement sur les 20% que nous avons, non. Je ne suis pas en train de dire que les 20% sont suffisants, pas du tout. Cependant, il y a beaucoup d’avantages qui sont oubliés et qui vont bien au-delà de ces calculs. Pour avoir un bénéfice de 100%, il faut travailler sur les 100%.  Alors que tout ce qui est sous-traitance, on appelle ça le contenu local. Il s’agit, par exemple, de confier l’approvisionnement du carburant aux sociétés maliennes capables de le faire. Dans les travaux de carrière, s’il y a des sociétés maliennes qui sont là et qui sont compétentes pour ça, il faut aussi leur confier ces travaux. On appelle ça le contenu local. Et si les Maliens sont impliqués dans toutes ces exploitations, l’argent gagné restera au pays et cela va au-delà des 20% que les gens voient. C’est vrai que par le passé, la sous-traitance se faisait à l’extérieur et l’argent restait là-bas, mais ce n’est plus le cas maintenant.En plus de tout ça, il faut peut-être mieux investir dans le secteur. C’est une question qui n’est pas souvent abordée, mais c’est une réalité. Il faut savoir que si une mine s’épuise, il faut des recherches pour trouver d’autres et cela nécessite des investissements financiers.

Aussi, il y a les patentes que les sociétés payent. Ce sont des milliards de nos francs et il y a une clé de répartition. A l’analyse, sur l’ensemble de la somme versée, 60% reviennent aux mairies. Après, il y a le niveau local (les cercles) et régional. Ce sont des sommes conséquentes qui n’ont rien à voir avec les 20% que l’Etat perçoit. Ces patentes concernent le Conseil régional, le Conseil de cercle et le Conseil communal. Mais, c’est le Conseil communal qui bénéficie de la plus grande partie de cette somme.

Récemment le ministre a effectué un déplacement à Fourou au niveau local et vous constaterez que le maire de cette localité a beaucoup plus travaillé avec ces revenus que la plupart de ses collègues. Si tous les élus faisaient comme lui,  le Mali aurait déjà beaucoup gagné au niveau du développement local avec cet argent.

Que répondez-vous à ceux-là qui pensent que des sites miniers sont exploités au nord du Mali par des étrangers ?

Vous savez, nous avons tous eu ces rumeurs sur les réseaux sociaux. C’est vrai, nous avions deux directions régionales (Gao et Kidal) à l’époque pour mieux veiller à la richesse du sous-sol malien, mais elles ne sont plus opérationnelles depuis 2012. Tout ce que nous savons, c’est qu’il y a des sites d’orpaillage traditionnels au nord comme dans beaucoup d’autres localités du Mali. Actuellement, nous sommes en train de préparer une visite avec le ministre dans ces zones et nous sauront les réalités très bientôt.

Monsieur le directeur, l’actualité oblige. Récemment vous avez effectué une mission avec votre ministre de tutelle sur la Falémé. Qu’est-ce qu’il se passe réellement dans cette zone ?

Merci, c’est une question d’actualité d’ailleurs. Nous avons effectué une mission avec le ministre le jeudi dernier (7 janvier 2021) et nous sommes en train de travailler là-dessus, notamment sur les différents sites au niveau de Kéniéba. Nous avons constaté au cours de cette mission qu’il y a des activités illégales, je dirai illégales parce que quand vous regardez ces sociétés chinoises, d’ailleurs ce ne sont même pas des sociétés, mais des individus étrangers, en train d’exploiter nos terres alors qu’ils n’ont même pas une autorisation donnée par l’administration minière.

Ils ne peuvent pas venir travailler comme ça. Nous avons des lois et le code minier est là pour ça. Donc, si quelqu’un veut travailler sur une zone, il faut venir dûment le demander avec les pièces nécessaires. Malheureusement, ces gens travaillent en complicité avec nos communautés locales qui sont corrompues à ce niveau. Quand nous avons interrogé ces exploitants, ils nous ont montré des autorisations données soit par le chef de village, soit par le maire de la commune.

Ils sont à Falémé parce que là-bas, il y a de l’eau. Vous savez que pour mieux exploiter de l’or, il faut de l’eau et voilà pourquoi, ils sont là-bas.  Mais si tout va bien, nous prendrons les mesures qu’il faut pour mettre fin à ces pratiques.

Monsieur directeur, votre mot de  fin.

Je vous remercie d’avoir initié cette interview avec moi. Je salue sincèrement au nom de la Direction Nationale de la Géologie et des Mines, l’ensemble du personnel du journal Ziré. Aussi, je souhaite une bonne et heureuse année à vous et à tous les Maliens partout où ils se trouvent. Qu’Allah le Tout-puissant nous préserve de ces crises incessantes et de la maladie à coronavirus !

Interview réalisée par Amadou Kodio et Ousmane Ballo

Source : Ziré