Manifestation du 5 juin : Vendredi de colère !

La manifestation conjointement organisée par le Front pour la sauvegarde de la démocratie (coalition de l’opposition), la CMAS de l’influent imam Mahmoud Dicko et Espoir Mali-Koura a drainé une marée humaine à Bamako le vendredi dernier. A travers cette démonstration de force, des centaines de milliers de citoyens ont adressé un message clair au président Ibrahim Boubacar Keita, dont le départ a été réclamé.

Avec ferveur et détermination, dès 07h 30 minutes de ce vendredi des centaines de milliers de personnes se sont regroupées sur la place de l’indépendance, à l’appel du Front pour la sauvegarde de la démocratie (la coalition de l’opposition) et la CMAS de l’imam Mahmoud Dicko, et Espoir Mali Koura. Les avenues menant au monument de l’Indépendance étaient noires de monde au moins sur 2 km de part et d’autres.

La diversité des messages inscrits sur les panneaux témoignait d’un ras-le-bol généralisé « IBK dégage ! », « Trop c’est trop, Boua ka bla », « On est désolé pour la mauvaise gouvernance », « Non aux députés imposés et nommés », « IBK et Karim, dégagez », « Maliennes et Maliens, levons-nous pour le Mali ». Le slogan “IBK dégage” est décliné sur tous les tons et dans toutes les langues. « Il faut que IBK laisse le pouvoir, ni plus ni moins », plus d’argent pour l’éducation » ou « la fin du coronavirus ». « Il gère le pays avec son fils, sa femme et son clan, c’est que cette caste ne connaît pas les réalités du pays, ils ne subissent pas la crise comme nous ».

 Le départ du régime réclamé

Ce 5 juin, c’est le départ de tout le régime que réclament les manifestants. En effet, les déclarations, celle de la CMAS, suivie du Front social pour la démocratie (FSD) de Choguel Kokalla MAIGA, de Cheick Oumar Sissoko du mouvement Mali Koura et l’ex député Oumar Mariko, expriment la colère des Maliens. Tous se sont accordés sur un même mot d’ordre : demander la démission du président de la République pour une meilleure gouvernance. « Il n’y a pas de sécurité, pas d’école, trop de corruption et la goutte d’eau a été les résultats tronqués des élections législative », résumait  l’un des organisateurs.

Selon Issa Kaou Djim, coordinateur de la CMAS, « les Maliens parlent aux Maliensl’école est dehors, les commerçants se cherchent, et aujourd’hui il n’y a pas de perspective pour les jeunes, il n’y a pas d’emploi les populations du Centre se font massacrer, qui sont les coupables, qui sont les auteurs, quelle politique nous a menés à ça ; IBK doit dégager ».

Pour donner de la solennité, l’hymne national est entonné toutes les quinze minutes. « Je n’ai jamais aimé ce pays qu’en ces moments de troubles, de doute pour l’avenir de ce beau pays. Je ne regarderai plus ce pays sombrer entre des mains douteuses et coupables », a déclaré Choguel Kolla MAIGA ; « Notre patrie, notre nation sont en danger de disparition, si un chauffeur passe son temps à faire des accidents, on lui retire son permis » a ajouté M. Maïga.

« Le 05 juin restera inscrit en lettre d’or » dans l’histoire mouvementée du Mali. Un gouvernement qui ne peut pas assurer la sécurité de ses citoyens ne peut être légitime”, assure pour sa part Maître Mountaga Tall du parti du Congrès national d’initiative démocratique (CNID).   Avant de dénoncer la faim, la soif, les maladies, la pauvreté, l’insécurité, le manque d’éducation et le mensonge qui sont devenus, selon lui, le quotidien des Maliens. « Le chef de village ne peut plus supporter sa charge qui est le Mali », a-t-il ajouté.

Quant à l’opposant et ancien député, Oumar Mariko, il est encore plus direct : «je soutien toute démarche de la démission du président de la République », dira-t-il.

Lors de son intervention, l’imam Dicko a demandé au président IBK de : « prendre en compte le message », de « redresser la barre pour que le navire ne chavire pas ». “On doit demander des comptes à ceux qui gouvernent ce pays. Car les gens ne se révoltent pas pour rien. Il est temps qu’on parle pour ce pays. Vous voyez, on est devenu aphone vis-à-vis de la situation”. A déclaré Dicko. Aujourd’hui, on ne parle plus de Kidal, car c’est fini. Dans un passé récent, la question de Kidal était évoquée dans les chants de musique. Mais la situation s’est détériorée à tel point qu’on en parle plus, je peux le dire. En 2014, je suis allé à Kidal. À l’époque, il y avait un gouverneur à Kidal, tous les préfets des cercles de la région de Kidal étaient sur place. On a déjeuné ensemble dans la résidence du gouverneur et le drapeau du Mali flottait sur le toit”.

Et l’imam de reprocher au président d’avoir signé les accords d’Alger : “C’est tête baissée qu’on est arrivé à Alger pour signer ce qu’on nous impose. On a signé l’Accord parce qu’on perdu la guerre. Le document a été signé, il y a 5 ans de cela, mais aucun point n’a été appliqué de manière satisfaisante, à part la cessation des hostilités”.

En plus de la perte de Kidal, le pays est gangrené au centre avec des affrontements inter-ethniques meurtriers. “Alors que la situation se détériore davantage, l’État reste en spectateur. Il commet une erreur politique grave, on nomme un Haut représentant du Chef de l’État pour le centre. Mais, tu t’imagines, dans un pays où il y a un ministre de la réconciliation, ministre de l’Administration ; dans la même région, il y a un gouverneur avec un préfet pour chaque cercle, cela veut dire que l’État est là”. Avant de ‘assener : « Nous condamnons la mauvaise gestion du régime, les malversations, les détournements, le mensonge… IBK n’aime pas les ultimatums mais cette fois, s’il ne nous écoute pas, il verra pire qu’aujourd’hui ».

Dans une déclaration finale, les organisateurs appelaient IBK à démissionner au plus tard le vendredi à 18 heures, sinon « le peuple souverain en tirera toutes les conséquences », précise la déclaration finale du rassemblement. Le président est évidemment resté silencieux à cet appel. A la faveur d’un lourd orage, la place de l’indépendance s’est calmement vidée. Mais les plus motivés se sont dirigés vers le quartier de Sébénicoro, lieu de la résidence du chef de l’Etat. Des incendies de pneus et de planches ont été allumés le long de l’axe principal. Les habitants ont pu entendre des coups de feu retentir jusque dans la nuit.

Mémé Sanogo

Source: L’Aube