Amadou Ba à ceux qui demandent le report des législatives : « Ces personnes avaient l’occasion d’aller au DNI pour exprimer leurs opinions contraires »

Dans une interview accordée à une de nos équipes, le président de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), Amadou Ba, précise que l’organisation des électives législatives est l’une des recommandations de la majorité des Maliens formulées lors du Dialogue National Inclusif (DNI). Une décision que le gouvernement s’est engagé à respecter. Lisez plutôt !

Les élections législatives se tiennent à moins d’un mois dans un contexte sécuritaire extrêmement difficile. Qu’est-ce que cela vous dit ?

Je vous remercie de l’intérêt que vous portez aux élections législatives. Nous sommes chargés effectivement, en tant qu’un organe de gestion, des élections de façon générale, et nous sommes tenus de jouer notre partition dans l’organisation de l’élection des députés. Comme vous le savez déjà, c’est à la suite du Dialogue National Inclusif (DNI), dans les recommandations, qu’il a été demandé au gouvernement de la mise en place de nouveaux députés à l’Assemblée nationale avant le 02 mai 2020. Ce qui a permis au gouvernement de convoquer le collège électoral pour les élections législatives avec le 1er tour prévu le 29 mars et le 19 avril 2020 pour le second tour.

Comme je le disais tantôt, c’est le 1er test de bonne fois du gouvernement après les résolutions du DNI. C’est vrai, pour moi, l’élection des députés aurait pu être organisée en 2018 au même moment que la présidentielle et comme nous l’avons tous constaté, en raison des contraintes majeures, le gouvernement a fait reculer la date de ces élections. Sinon, c’était un processus qui commençait par l’élection du président de la République et ensuite celles des députés et des structures de gestion au niveau des régions et des cercles.

Le même contexte qui prévalait avec l’élection présidentielle nous poursuit jusqu’ici et je pense qu’on est toujours dans le même contexte d’insécurité, d’incertitude. Beaucoup ne pensaient pas qu’on pouvait réussir l’élection présidentielle, mais par la grâce de Dieu on a réussi, même s’il faut reconnaître qu’il y a eu beaucoup d’insuffisances et de difficultés. Mais c’était important de rester dans le cadre constitutionnel. De mon point  de vue, nous sommes dans le même contexte d’insécurité. Nous devrons avoir la tête froide pour que les élections législatives puissent tenir dans le délai indiqué.

Pensez-vous que la CENI est suffisamment préparée pour couvrir ces élections dans le délai indiqué ?

Je vais dire sans fanfaronnade qu’il y a deux ans de cela nous avons pu participer auprès du gouvernement à travers le ministère de l’Administration territoriale à l’élection présidentielle. Ce qui fait que nous avons déjà des prérequis à notre niveau. Nous avons d’abord la disponibilité de tous les membres de la CENI, nous avons la disponibilité de nos démembrements qui sont là et qui n’ont pas changé. Nous avons pu recruter des délégués de la CENI au cours du premier scrutin en 2018. Et nous avons déjà une base de données pour les délégués qu’on avait formés en 2018. Il s’agira juste pour nous de réactiver tous ces réseaux et là nous avons commencé et on a donné la priorité aux anciens délégués c’est-à-dire, ceux qui ont déjà eu une formation avec nous et il y aura des suppléants en cas de surprises de dernière minute.

Nous avions présenté un projet de budget qui a été soumis à l’arbitrage budgétaire et qui nous a permis d’avoir notre budget disponible pour participer aux élections législatives.

Ce budget, à combien se chiffre-t-il ?

C’est un milliard 700 millions de francs CFA. Ça paraît une grosse somme, mais c’est vraiment une peau de chagrin pour nous. Parce qu’aujourd’hui, on est dans 22 000 bureaux de vote pour les élections législatives. Si vous multipliez 30 000 f CFA par 22 000, vous verriez déjà qu’il n’y a plus d’argent. Mais de toutes les façons, nous préférons payer les délégués autant qu’il faut pour avoir une élection législative transparente.

Quand est-ce que vos délégués seront-ils déployés et qu’en-est-il de leur sécurité ?

Nos délégués seront déployés le plutôt possible, même si je reconnais que nous craignons cette insécurité qui ne laisse personne indifférent. Parce qu’en 2018, au moment de l’élection présidentielle, nous avons des délégués qui ont été victimes d’agression et nous avons même enregistré des pertes en vies humaines chez nos délégués, notamment dans la région de Mopti ; dans la zone de Niono, etc. Il y a eu également d’autres actes de vandalisme des bureaux de vote.

Mais nous aussi, nous sommes en contact avec le ministère de l’Administration territoriale. Il y a ce qu’on appelle le cadre d’ordre qui est établi sur la base des requêtes des administrations locales qui évaluent les besoins en protection. Maintenant, est-ce que parce qu’il y a une insécurité potentielle dans une zone qu’on va s’abstenir d’envoyer des gens ? En tous cas, tous les bureaux de vote seront pourvus. S’il y a des risques d’insécurité avérés, nous n’allons pas insister pour envoyer nos délégués.

Des partis politiques annoncent déjà une mascarade électorale. Parce qu’ils estiment qu’on ne peut pas aller à une élection dans ces conditions. Le pensez-vous aussi?

Moi, j’entends des voix comme ça. Pour moi, le gouvernement est à saluer, parce qu’il n’a pas attendu ou tergiversé sur la question. Il a  décidé de respecter ce qui a été décidé au DNI et c’est ce qui est fait. Alors, quand je vois des gens dire maintenant qu’on n’est pas prêts pour ces élections, je me dit que ces personnes avaient l’occasion d’aller au dialogue national pour exprimer leurs opinions contraires.

Maintenant, si tel n’a pas été le cas, je  pense qu’il faut se taire. Parce que ce n’est pas le gouvernement qui a décidé d’organiser ces élections législatives. C’est bien le peuple malien qui a décidé et au cours d’un dialogue national inclusif où la parole était libre. Donc, les résolutions formulées sont la volonté de la majorité de l’ensemble des Maliens.

Ce qui est sûr,  on ne peut pas empêcher les personnes d’exprimer leurs opinions, mais je pense que tout le monde sait aujourd’hui que si l’on doit attendre que la sécurité soit rétablie dans ce pays, on est partis pour dix ans pour pouvoir organiser des élections et un pays ne peut pas fonctionner comme ça.

On va à une élection dans un contexte déjà tendu. Comment vous sentez-vous en tant que président de la Commission Electorale Nationale Indépendante ?

 Je me sens très rassuré, parce que je le dis, je n’ai jamais été d’accord pour la prolongation du mandat des députés parce que c’est une mesure anticonstitutionnelle. La Cour constitutionnelle chargée de faire respecter la Constitution et les lois qui sont attachées aux élections à donner une opinion qu’on a respectée.  Les arrêts de la Cour sont sans recours, je les respecte. Mais, j’étais convaincu que la cour peut interpréter la Constitution, mais elle ne peut pas se mettre à la place de la Constitution pour créer le droit.

Le problème qu’il y a, c’est qu’aujourd’hui, l’Assemblée va être élue deux  ans après l’installation du président de la République. Est-ce que le nouveau président de la République qui sera élu, va s’accommoder d’une Assemblée élue dont il ne connaît pas la couleur ? C’est un système de blocage et ça va certainement obliger ce nouveau président à dissoudre cette Assemblée nationale pour convoquer les élections de nouveaux parlementaires. Alors ça fait des frais pour un pays qui cherche déjà à avoir de l’argent. Nous savons ce que coûte une élection, nous sommes dans un budget d’au moins 14 milliards pour ces élections. On ne peut pas se permettre au bout de trois ans encore de sortir pour élire des nouveaux députés alors qu’il en y a déjà certains qui  ont été élus pour cinq ans.

Interview réalisée par Amadou Basso

One Reply to “Amadou Ba à ceux qui demandent le report des législatives : « Ces personnes avaient l’occasion d’aller au DNI pour exprimer leurs opinions contraires »”

Comments are closed.