Déclaration du Ministre de Affaires étrangères et de la Coopération internationale, SEM Abdoulaye DIOP, à l’occasion de l’examen par le Conseil de Sécurité des Nations Unies du Rapport trimestriel du Secrétaire Général sur la situation au Mali

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Monsieur le Président, cher frère,

La délégation du Mali vous adresse ses chaleureuses félicitations pour l’accession de votre pays, le Gabon, grand ami du Mali, à la présidence du Conseil de sécurité pour ce mois d’octobre 2022 et je vous assure de notre entière disponibilité pour la réussite de votre mandat.

Mesdames et Messieurs les membres du Conseil de sécurité,

Nous nous réunissons à un moment où une lâche attaque terroriste à l’engin explosif improvisé a coûté, hier lundi 17 octobre 2022, la vie à 3 Casques bleus tchadiens et en a blessé 3 autres. Au nom du Gouvernement et du Peuple du Mali, j’adresse nos sincères condoléances aux familles des victimes, au Gouvernement et au Peuple frère du            Tchad et je souhaite prompt rétablissement aux blessés. Nous condamnons sans aucune réserve cet acte barbare qui ne fait que renforcer notre détermination commune à poursuivre la lutte contre le terrorisme.

Le Gouvernement du Mali prend note du rapport du Secrétaire général sous examen et je remercie mon frère, Monsieur El-Ghassim WANE, Représentant spécial du Secrétaire général au Mali, Chef de la MINUSMA, pour sa présentation ainsi que les mises à jour depuis sa publication.

Les observations détaillées du Gouvernement ont été communiquées aux membres du Conseil de sécurité dans un Mémorandum. Je voudrais à présent réagir en réponse à quelques passages du rapport et à vos commentaires, que j’ai écoutés avec une grande attention.

Sur le plan politique, des progrès importants ont été réalisés pendant la période sous examen, pour un  retour apaisé et  sécurisé  à l’ordre constitutionnel. Toutes ces actions ont été menées en étroite coopération avec la CEDEAO. En effet, le Gouvernement a procédé à l’adoption d’un chronogramme pour les réformes politiques et électorales, y compris le calendrier des  élections,  dans  le  cadre  de  la  nouvelle  Loi  électorale. Cette nouvelle loi électorale prévoit notamment la création et la mise en place de l’Autorité indépendante de gestion des élections (AIGE), dont les quinze membres ont été nommés le 12 octobre 2022. Les Nations Unies, l’Union Africaine et la CEDEAO participent à toutes les rencontres de la Commission de suivi des réformes politiques et électorales de suivi, dont la dernière s’est tenue le 13 octobre, sous la présidence du Premier ministre par intérim. Poursuivant

cette dynamique d’inclusivité et de consensus chère à Son Excellence le Colonel Assimi GOITA, Président de la Transition, Chef de l’Etat, des dispositions sont en cours en vue de l’augmentation du nombre de sièges du Conseil national de Transition.

Ces mesures s’inscrivent dans le cadre d’un vaste chantier de réformes en cours d’exécution et indispensables à la refondation de notre Etat, qui comprend la remise, le 11 octobre 2022, au Président de la Transition, de l’avant-projet de la nouvelle  Constitution malienne, élaboré à l’issue d’une démarche consensuelle et de large consultation. Ce projet de Loi fondamentale prend en charge les aspirations profondes des Maliennes et des Maliens exprimées lors des Assises nationales de la refondation.

Sur la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger, je ne me lasserai jamais de souligner que le Gouvernement reste totalement engagé dans sa mise en œuvre diligente et intelligente, pour la stabilité durable du Mali. A cet égard, je me félicite de la tenue de la réunion de haut niveau décisionnel au mois d’août dernier, suivie de la 6ème réunion de haut niveau du Comité de Suivi, le 02 septembre 2022, qui ont permis de lever certains obstacles.

Aussi, la 46ème session du CSA, tenue le 11 octobre 2022, a permis aux parties maliennes de renouveler leurs engagements pour une paix durable. Je voudrais à ce sujet, saluer la forte implication de la Médiation internationale, sous la direction de l’Algérie.

Comme vous le savez, au titre du processus de Désarmement, Démobilisation et Réintégration, les parties maliennes ont convenu de l’intégration de 26.000 ex-combattants d’ici à 2024.

Je me félicite par ailleurs d’une participation de plus en plus active et significative des femmes et des jeunes au processus de paix. Parallèlement, le Gouvernement du Mali œuvre constamment à la promotion de la paix et du vivre ensemble, en témoigne la première édition de la Semaine de la réconciliation nationale tenue le mois dernier sur l’ensemble du territoire et au niveau de la diaspora.

Monsieur le Président,

A l’instar du Secrétaire général, vous avez été nombreux à manifester votre préoccupation relative à la situation sécuritaire. Le rapport sous examen aurait gagné en objectivité s’il informait davantage sur les efforts et les progrès réalisés par le Gouvernement, dans le cadre de la sécurisation du territoire national et de la protection des populations civiles.

Depuis le mois de décembre 2021, les Forces de défense et de sécurité du Mali ont lancé des grandes opérations militaires qui ont permis de détruire plusieurs sanctuaires terroristes, d’opérer des saisies importantes d’armes et de matériels de guerre, de libérer plusieurs localités et de favoriser le retour de personnes déplacées. Cette montée en puissance des forces de défense et de sécurité est une réalité tangible appréciée des populations. Le Gouvernement reste déterminé à prévenir et à contrer les attaques indiscriminées ou les représailles contre nos populations.

En outre, le Gouvernement s’est doté d’une stratégie intégrée pour le Centre qui comprend, en plus des aspects purement sécuritaires, des approches politiques et de développement économique, social et culturel. Cela pour dire que les autorités ont pleinement conscience de ce que la seule réponse sécuritaire ne suffira pas à ramener la paix et la stabilité dans notre pays et qu’il est indispensable de créer un environnement socioéconomique à même de fournir des opportunités et perspectives aux populations, particulièrement dans leurs franges vulnérables aux influences néfastes des groupes terroristes.

Dans la même veine, le Gouvernement œuvre pleinement à la restauration de l’autorité de l’Etat et à la fourniture des services sociaux de base aux populations dans les zones encore affectées par l’insécurité. Pour ce qui concerne la présence de représentants de l’Etat, les mesures ont été prises pour que les cadres récemment nommés rejoignent leur poste, après leur formation, qui comprend des modules sur les élections, le mandat de la MINUSMA et les services sociaux de base. A ce titre, les initiatives publiques se multiplient pour offrir l’éducation au plus grand nombre d’enfants dans les zones affectées par le conflit.

Toujours dans ce chapitre sécuritaire, il est surprenant que, dans le cadre du récit factuel, le rapport du Secrétaire général ait passé sous silence la saisine du Conseil de sécurité par le Mali le 15 août 2022, pour ce qui concerne les  tentatives de déstabilisation  et les  violations  répétées de  l’espace aérien par les forces françaises. Ces actes d’agression d’une extrême gravité, qui constituent une violation de la Charte des Nations Unies et du Droit International, ne doivent pas rester sans suite. C’est pourquoi, le Gouvernement

du Mali renouvelle sa demande d’une réunion spécifique du Conseil de sécurité, qui lui donnera l’occasion de présenter les preuves concrètes des actes de duplicité, d’espionnage et de déstabilisation de la France à l’encontre du Mali, y compris le partage de renseignements et le largage de matériels militaires au profit des organisations criminelles, qui sont à l’origine de l’insécurité et des violences contre nos populations civiles qui attendent du Conseil de sécurité qu’il assume sa responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales. Nous avons également pris à témoin l’opinion publique nationale et internationale qui doit être édifiée sur les causes de l’insécurité, de la déstabilisation et de l’expansion du terrorisme dans le Sahel. Le Mali dénonce la guerre par procuration qui lui est imposée tout comme les manœuvres et entraves à la tenue de la réunion spécifique. En tout état de cause, le Gouvernement du Mali se réserve le droit de recourir à la légitime défense, conformément à l’article 51 de la Charte des Nations Unies et à la lettre n°444/MAECI en date du 15 août 2022 du Gouvernement du Mali au Conseil de sécurité, si la France continue à porter atteinte à la souveraineté du Mali, à son intégrité territoriale et à sa sécurité nationale.

Sur la question des droits de l’homme, je me réjouis de la baisse constatée des cas d’atteinte aux droits humains sur la période couverte par le rapport. Cependant, contrairement à des allégations sans fondement et entretenues à dessein, les opérations militaires des Forces de défense et de sécurité du Mali sont conduites dans le strict respect des droits de l’homme et du droit international humanitaire.

Conformément à sa politique de tolérance zéro, le Gouvernement du Mali, à travers la justice militaire  a jugé plusieurs cas d’infractions relevant de la compétence des tribunaux militaires et de nombreuses procédures judiciaires ont été ouvertes dans ce sens dont certaines sont en cours d’instruction préparatoire, au niveau du Tribunal militaire. S’ajoutent notamment à ces mesures les enquêtes ouvertes pour la recherche de la vérité, ainsi que la relecture en cours du Code pénal, du Code de procédure pénale et du Code de justice militaire.

Je salue ici l’appui de la MINUSMA dans le cadre de la tenue de la deuxième audience du Tribunal militaire de Mopti, et de trois audiences au niveau de la juridiction de Douentza, ainsi que sa contribution à l’amélioration des conditions de détention et de sécurité dans certaines prisons au centre du pays.

Je  dois  dire  en  outre  que  la  justice  a  ses  propres  exigences,  lesquelles commandent  que  les  allégations  contenues dans  le  présent  rapport  soient étayées par des preuves objectives ou, tout au moins, qu’elles soient fondées en leur principe, ce qui n’est pas toujours établi dans le rapport.

Cependant, je le redis ici avec force, le Gouvernement du Mali reste fermement opposé à l’instrumentalisation et à la politisation de la question des droits de l’homme à des fins de déstabilisation, d’intimidation et de chantage.

Au demeurant, il est tout aussi regrettable de constater que certains mécanismes des Nations Unies, mis en place soi-disant pour aider les pays en crise, fassent l’objet des mêmes instrumentalisations par des influences extérieures. Dans ce chapitre, le Gouvernement du Mali constate, avec regret, le fait que le Groupe d’experts des Nations Unies sur les sanctions concernant le Mali, créé par la résolution 2374 (2017) outrepasse de plus en plus son mandat, tant dans la substance des évènements à examiner que dans sa zone d’opération, limitée aux régions du Nord, couvertes par la mise en œuvre de l’Accord. Le Gouvernement a toujours coopéré avec les mécanismes relatifs au régime de sanctions, notamment le Comité des sanctions avec lequel nous entretenons une bonne relation, toutefois, nous envisageons de réévaluer notre coopération avec le groupe d’experts, à  l’aune du respect par celui-ci, des termes précis de son mandat.

En ce qui concerne la situation humanitaire, le Gouvernement du Mali reste très préoccupé par la situation précaire des réfugiés maliens dans les pays voisins, que je remercie ici pour leur hospitalité à l’égard des nôtres. Le Gouvernement reste également  attentif au cas de nos milliers de déplacés internes, y compris leurs enfants, dans le contexte de la rentrée scolaire. Nous sommes d’autant plus préoccupés que les fonds nécessaires aux besoins humanitaires ne sont mobilisés qu’à hauteur de 20%. Cependant, je veux donner cette assurance à nos compatriotes dans cette situation difficile : le Gouvernement du Mali continuera de s’atteler à réunir les conditions, non seulement pour leur prise en charge adéquate sur place mais aussi et surtout pour faciliter leur retour dans leurs localités d’origine dans la sécurité et dans la dignité.

Mesdames et Messieurs les membres du Conseil de sécurité,

J’ai pris bonne note de vos remarques et observations en ce qui concerne les défis opérationnels de la MINUSMA. Le Gouvernement du Mali s’est organisé à prendre en charge le départ de la force française Barkhane. Il n’y a donc pas de vide sécuritaire. Nous invitons par conséquent la MINUSMA à pleinement coopérer avec la partie malienne, en vue de l’efficacité de nos actions communes sur le terrain.

Vous comprenez ici, contrairement à ce qui est véhiculé, qu’il n’existe aucune volonté de restreindre les mouvements de la MINUSMA. Il y a plutôt une volonté d’affirmation de la souveraineté du Mali sur son territoire, une volonté de coordination de nos actions avec la MINUSMA. Le Gouvernement a été amené à prendre certaines mesures pour des considérations de sécurité nationale, suite à l’arrivée, sans base légale, de forces étrangères se présentant sous la bannière des Nations Unies. La suspension des rotations qui s’en est suivie n’a été que temporaire, elle a été immédiatement levée suite à la mise en place d’un cadre permanent de concertation de haut niveau entre le Gouvernement et la MINUSMA. Ce cadre permet de lever toutes les difficultés rencontrées, y compris la question des rotations.

Dans la perspective de l’élaboration de la revue stratégique de la MINUSMA, le Gouvernement du Mali affiche en priorité le recentrage de la Mission sur les fondements de sa présence au Mali, notamment l’appui à la restauration de l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du territoire et une meilleure articulation avec les autorités maliennes.

Monsieur le Président,

Certains membres du Conseil ont évoqué le dossier de l’arrivée illégale et sans autorisation de militaires venus de la Côte d’Ivoire et lourdement armés, qui a également suscité des commentaires de la part de membres du Conseil de sécurité.

Je note avec regret que le rapport omet de faire référence à la note verbale référencée  MINUSMA/PROT/NV/226/2022  en date  du  22  juillet  2022  par laquelle la MINUSMA établit clairement qu’il n’existe pas de lien entre les 49 militaires et la MINUSMA. Les déclarations du porte-parole du Secrétaire général des Nations Unies sur cette question, le 12 juillet 2022, confirment la thèse de la non-appartenance de ces militaires venus de la Côte d’Ivoire à la MINUSMA.

La justice malienne est saisie de cette affaire. Malgré les manquements et les dysfonctionnements reconnus par les Nations Unies et la Côte d’Ivoire, le Gouvernement du Mali s’est toujours dit ouvert à une solution diplomatique, notamment à travers la médiation du Président de la République Togolaise, dans l’esprit des relations fraternelles et de bon voisinage qui ont toujours caractérisé les relations entre le Mali et le Côte d’Ivoire. Cette médiation a déjà permis la libération, pour raisons humanitaires, de 3 soldats femmes.

Pour donner toutes les chances au processus diplomatique d’aboutir, le Mali lance un appel aux différents intervenants à éviter tout parti pris et à inscrire leurs démarches dans une approche constructive. C’est surtout cela qui est attendu de nos partenaires, y compris les Nations Unies.

Monsieur le Président,

Mesdames, Messieurs les membres du Conseil de sécurité,

Je voudrais conclure en soulignant que le peuple malien a décidé de prendre son destin en main. Les Maliennes et les Maliens soutiennent pleinement le Gouvernement  dans  les  réformes  politiques  et  institutionnelles ;  dans  les efforts et les actions en cours pour la sécurisation du territoire national ; dans la protection des personnes et leurs biens ; et dans la fourniture des services sociaux de base.

Pour conforter ce soutien inconditionnel, le Gouvernement s’attèle à l’organisation d’élections générales, transparentes et crédibles qui marqueront la fin de la période transitoire en mars 2024, suivi du transfert pacifique du pouvoir aux nouvelles autorités élues.

Le peuple malien dans son ensemble apprécie le soutien et l’accompagnement de l’ensemble de nos partenaires pour la réalisation de ces chantiers majeurs pour l’avenir de notre pays. A cet égard, je rappelle les principes clés édictés par Son Excellence Le Colonel Assimi GOITA, Président de la Transition, Chef de l’Etat, et qui guident l’action publique au Mali, à savoir :

  1. le respect de la souveraineté du Mali ;
  2. le respect des choix stratégiques et de partenaires opérés par le Mali ;
  3. la prise en compte des intérêts vitaux du peuple malien dans les décisions prises.

Je   termine donc en  renouvelant la reconnaissance du peuple et du Gouvernement du Mali pour l’accompagnement constant des Nations Unies  et de l’ensemble des partenaires.

Enfin, je m’incline devant la mémoire de toutes les victimes, civiles comme militaires, étrangères comme maliennes, tombées au champ d’honneur au Mali.

Je vous remercie de votre aimable attention.

 

Last Updated on 19/10/2022 by Ousmane BALLO